Lanceurs d’alerte : vers une meilleure protection européenne ?

Lundi 23 avril 2018, la Commission européenne a dévoilé son projet de directive sur la protection des lanceurs d’alerte. Ceux-ci sont à l’origine de la révélation de plusieurs scandales, visant par exemple des pratiques d’optimisation fiscale (Luxleaks, Panama papers…) ou la falsification de contrôles anti-pollution (Dieselgate). La proposition de l’exécutif européen doit ainsi faciliter l’action de ces citoyens et les protéger.

Protéger les lanceurs d’alerte

A l’origine de plusieurs révélations aux répercussions mondiales (Luxleaks, Dieselgate, Panama Papers…), les lanceurs d’alerte jouent un rôle important dans la mise au jour d’activités illicites ou moralement condamnables. Toutefois, selon une enquête de 2016 citée par la Commission européenne, 36 % des travailleurs qui ont signalé des fautes de leur entreprise ou de leur administration auraient été victimes de mesures de représailles.

C’est donc pour leur assurer à l’avenir un niveau élevé de protection que la Commission européenne a proposé, lundi 23 avril, d’instaurer des « canaux sûrs permettant les signalements tant au sein d’une organisation qu’auprès des pouvoirs publics ». Le projet de directive doit notamment protéger les lanceurs d’alerte contre le licenciement, la rétrogradation et d’autres formes de représailles, y compris ceux qui interviennent en tant que source pour des journalistes d’investigation.

Entreprises et administrations concernées

La Commission propose ainsi que les entreprises de plus de 50 salariés et d’un chiffre d’affaires supérieur à 10 millions d’euros, ainsi que les administrations nationales, régionales et les municipalités de plus de 10 000 habitants mettent en place un mécanisme interne afin de recevoir les alertes de leurs employés. Si un délai de 3 mois passe sans qu’aucune réponse ne soit faite au lanceur, celui-ci pourra se rendre devant un organisme national indépendant, dont la nature devra être arrêtée par les Etats.

Si le travailleur est dans une entreprise ou une administration qui n’a pas de mécanisme d’alerte interne, il pourra s’adresser directement aux autorités compétentes nationales. Le signalement au grand public pourra avoir lieu lorsqu’aucune mesure adéquate n’a été prise après un signalement par les voies internes en entreprise ou auprès des autorités nationales. A chaque étape, l’anonymat du travailleur devra être impérativement respectée.  A noter que si le travailleur a de sérieux soupçons mais ne dispose pas de toutes les preuves, il pourra néanmoins déclencher l’alerte en montrant sa bonne foi.

Enfin, une clause de sauvegarde générale permettrait aux lanceurs d’alertes de se rendre directement devant la presse et de divulguer l’information au public en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public ou en cas de préjudice irréversible.

Des salariés aux sous-traitants

Le projet de directive s’applique aux personnes divulguant des informations dans leur cadre de travail, qu’ils soient ou non salariés. Stagiaires, sous-traitants ou volontaires sont donc concernés.

D’autre part, la Commission dresse une longue liste de domaines pour lesquels la protection serait garantie dans toute l’UE en cas de lancement d’une alerte portant sur une violation de la législation européenne. Les domaines concernés sont nombreux allant des marchés publics au blanchiment d’argent en passant par la protection des consommateurs et de l’environnement, la santé publique, ou encore le respect de la vie privée.

Quels précédents ?

La proposition s’appuie sur plusieurs textes, notamment une recommandation du Conseil de l’Europe de 2014 sur la protection des lanceurs d’alerte. Le Parlement européen avait quant à lui adopté en octobre 2017 un rapport d’initiative porté par la députée européenne radicale de gauche Virginie Rozière. A noter que la proposition de la Commission est très proche des recommandations faites dans le rapport d’initiative du Parlement. Néanmoins le rapport d’initiative du Parlement recommandait notamment d’imposer des sanctions pénales aux auteurs de représailles envers les lanceurs d’alerte, ainsi qu’une aide financière pour aider ces derniers dans la procédure judiciaire mais ces deux propositions n’ont pas été retenu par la Commission.

La directive doit maintenant être adoptée par le Parlement et le Conseil. Le premier devrait probablement se prononcer en faveur du projet, qui ressemble beaucoup au rapport d’initiative adopté en octobre. En revanche, l’approbation du Conseil est moins évidente : l’Espagne a par exemple déjà annoncé qu’elle y était opposée. Toutefois, seule la majorité qualifiée est requise au Conseil dans ce domaine.

Dix pays européens ont déjà établi dans leur droit national une protection spécifique pour les lanceurs d’alertes. En France, la loi Sapin 2 est ainsi effective depuis le 1 janvier 2018.

Un article publié par notre partenaire Toute l’Europe.