Lanceurs d’alerte : un texte à échelle de l’Europe

Whistleblowers often risk paying a high price for disclosing information.

Yet whistleblowing can be essential in bringing to light activities contrary to public interest, illegal activities, corruption and threats to public health and safety.

https://whistleblowerprotection.eu/

Clés de la protection des lanceurs d’alerte en France

1.- 2  lois protègent et définissent les lanceurs d’alerte : la loi Sapin-II  du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite Sapin II – articles 6 à 16 et  la loi Defenseur-des-droits du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte qui modifie l’article 4 de la loi du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits

2.– La procédure de recueil des signalements qui concerne les entreprises privées et publiques de 50 salariés et plus, les administrations, les communes ou intercommunalités de plus de 10 000 habitants, les départements et les régions est devenue opérationnelle depuis le 1er janvier 2018 par décret du 19 avril 2017

3.– Cependant cette procédure de signalement qui fait l’objet d’une circulaire du 31 janvier 2018 n’est pas simple et n’autorise d’alerter la presse qu’après plusieurs recours préalables… sous peine de se retrouver devant les tribunaux pour « signalement abusif ou déloyal ».

4.- L’article 6 de la loi Sapin II définit le lanceur d’alerte (la lanceuse d’alerte) comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi ( c’est-à-dire sans intention de nuire par exemple à l’employeur): un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général dont elle a eu personnellement connaissance.

Sont exclus : les faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client. »

Vous avez bien lu qu’il s’agit de personnes physiques, ce qui exclut les personnes morales, associations, ONG, les IRP (institutions représentatives du personnel) dans les entreprises, les organisations syndicales etc.

Et ça ne concerne que les lanceurs d’alerte qui procédent à un signalement visant l’organisme qui les emploie ou  auxquels ils apportent leur collaboration professionnelle. Ce qui exclut les lanceurs d’alerte « externes » notamment  les journalistes, les inspecteurs du travail, les magistrats.

5.– Le lanceur d’alerte tel que défini ci-dessus doit procéder dans cet ordre, à défaut de le respecter sa bonne foi et sa responsabilité civile et pénale peuvent être mises en cause devant un tribunal (article 8 de la loi Sapin II) :

– en premier lieu, le signalement de l’alerte doit être porté à la connaissance de son supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de son employeur ou d’un référent désigné par l’employeur.

Le destinataire de l’alerte doit alors vérifier, dans un délai raisonnable (la loi ne le fixe pas), la recevabilité du signalement ( !?)

– en second lieu, à défaut de vérification, dans le délai raisonnable, par le destinataire du signalement, le lanceur d’alerte peut saisir l’autorité judiciaire, administrative ou son ordre professionnel, également le Défenseur des droits.

Il peut toutefois saisir directement ces autorités si le signalement concerne un danger grave et imminent ou présente un risque de dommage irréversible… et rendre public ce danger ou ce risque.

– en troisième lieu, possibilité de rendre public le signalement notamment en alertant la presse, si l’autorité destinataire ne réagit pas dans un délai de trois mois après la réception du signalement.

Tout cela reste à définir et préciser par décrets. Ce qui rend la loi inapplicable tant qu’ils ne sont pas publiés au Journal officiel.

Ce n’est donc qu’en dernier lieu que le lanceur d’alerte peut alerter la presse ou rendre public le signalement par exemple sur Internet.

Par ailleurs, saisir la justice n’est pas gratuite, la possibilité pour les lanceurs d’alerte d’obtenir un soutien financier a été rejetée par le Sénat. Seule la saisine du Défenseur des droits est gratuite et celui-ci peut accorder un secours financier… encore faut-il qu’il dispose de moyens nécessaires pour traiter les alertes.

6.- Tout lanceur d’alerte peut saisir le defenseurdesdroits afin d’être protégé et orienté vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte. Il s’agit là d’une nouvelle compétence du défenseur des droits prévue par la loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 qui a été finalement reconnue conforme à la Constitution. Mais il n’est pas compétent pour traiter l’alerte selon une circulaire du 31 janvier 2018 relative à la procédure du signalement d’alerte

Depuis le 1er janvier 2018, les entreprises privées comme publiques de 50 salariés et plus, les administrations de l’Etat, les communes de plus de 10 000 habitants, les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) à fiscalité propre, les départements et les régions doivent établir des procédures internes appropriées de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels.

Ces procédures d’autorisation simplifiée peuvent prendre la forme de traitements automatisés de données à caractère personnel… sous réserve d’une autorisation préalable de la CNIL (Commission nationale informatique et liberté) – délibération de la CNIL du 22 juin 2017/alertes-professionnelles-modification-de-lautorisation-unique

Là encore, la procédure d’alerte et les recours auprès des IRP (institution représentatives du personnel) et des syndicats n’est pas autorisée par la loi.

7.- Les lanceurs d’alerte tels que définis ci-dessus sont protégés par les articles 9 à 11 de la loi Sapin II qui modifie en conséquence l’article L1132-3-3 du code du travail relatif au principe de non discrimination, à savoir : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

A défaut, ils peuvent saisir le Défenseur des droits mais, vous l’avez lu ci-avant, celui-ci ne peut être sollicité que pour lui demander quel organisme est compétent pour traiter l’alerte. En effet le Défenseur des Droits est incompétent pour cela selon la circulaire du 31 janvier 2018 relative à la procédure du signalement d’alerte

Même chose pour les fonctionnaires : « Aucun fonctionnaire (de bonne foi) ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte ». Idem pour les militaires dans la mesure où l’alerte ne signale pas un secret de défense nationale (article 15 de la loi Sapin II).

Autres protection assurée par la loi :

– l’identité du lanceur d’alerte ne peut être divulguée, sauf son consentement express et sauf à l’autorité judiciaire.- article 9 de la loi Sapin II.

Mais  gare aux faux signalements, punis de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende –article 9 de la loi Sapin II.

https://www.humanite.fr/lanceurs-dalerte-qui-peut-alerter-comment-et-quelle-protection-628630#xtor=RSS-1