La politique commerciale de l’Union européenne face aux nouveaux défis

La politique commerciale de l’Union européenne doit son efficacité à sa structure fédérale et à un concept partagé par les 28 États membres. Elle poursuit une stratégie d’ouverture des marchés – sécurisée par des règles.

La dernière réussite en date est l’ALE avec le Japon entré en vigueur le 1er février 2019. Mais le jeu du commerce mondial a bien changé sous l’effet de la concurrence des pays émergents et de la défiance des opinions dans les économies développées affectées par les effets négatifs de la mondialisation.

Le délitement du multilatéralisme affecte particulièrement l’Union européenne, elle-même engagée dans une conception des relations internationales fondée sur les règles.

Une politique européenne fédérale majeure mais controversée

La politique commerciale de l’Union européenne est l’un des éléments les plus achevés de la construction européenne. Elle doit son efficacité à sa structure fédérale : un négociateur unique pour 28 Etats membres et 512 millions d’acteurs économiques. Sa force lui vient aussi d’un concept partagé. Malgré leur diversité, notamment entre plus ou moins libéraux, les Etats membres sont parvenus très tôt à un concept commun de leur politique commerciale vis-à-vis du monde extérieur : celui-ci avait été défini par Pascal Lamy, alors Commissaire européen au commerce dans les années 2000 : une « ouverture commerciale avec des règles, en vue d’encadrer la mondialisation » (« harness globalization »). Cette position se situe dans un triangle dont les 3 côtés sont : ouverture, règles et concurrence.

L’Union européenne est ainsi un acteur majeur du commerce international : le premier ensemble commercial mondial avec 16,72% des échanges mondiaux de biens et services en 2017. Toutefois, il faut reconnaître que la sécession britannique fera perdre quelques plumes à ces belles performances, qui sont déjà en érosion : l’Union européenne a perdu 2,5% de sa part du marché mondial entre 2005 et 2015 et cette tendance devrait perdurer.

Depuis 2006, l’Union européenne a développé une approche offensive de la mondialisation au travers de négociations d’accords commerciaux bilatéraux avec ses principaux partenaires. Ces accords visent un double objectif : l’ouverture des marchés, au bénéfice des entreprises européennes ; le second objectif étant l’adoption de règles destinées à sécuriser les échanges et protéger les acteurs économiques (droit de la propriété intellectuelle ou la protection du consommateur).

Néanmoins, ce modèle d’intégration présente des limites bien identifiées : inachèvement du marché intérieur (insuffisante harmonisation des services, manque de coordination industrielle, politique et sociale), faiblesses de la conception de l’euro et inachèvement de l’union monétaire européenne, absence de politique énergétique commune, inachèvement de la politique extérieure, absence de politique de migrations.
 
Ceci nous amène à la défiance croissante des citoyens vis-à-vis des institutions européennes, notamment à cause de leur  « déficit démocratique « . Celui-ci affecte naturellement la politique commerciale, ainsi qu’en ont témoigné les débats passionnés autour de récentes négociations sur l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis (abandonné par le président Trump) ou celui conclu avec le Canada. Nous pouvons noter également le sentiment d’un défaut de « légitimité » des politiques commerciales, alors qu’elles sont désormais impliquées dans les questions de réglementation sur lesquelles l’opinion publique ne reconnaît pas nécessairement aux négociateurs commerciaux la légitimité nécessaire, et les préoccupations liées à la préservation des normes européennes et des services publics.

Guerre commerciale avec les Etats-Unis et positions française et allemande

La décision du président des États-Unis d’appliquer une politique protectionniste et de s’engager dans des conflits commerciaux constitue un défi pour le commerce ouvert, comme pour le multilatéralisme. L’approche de l’administration Trump repose sur une préférence pour une action bilatérale, dans laquelle elle espère obtenir de meilleurs résultats en exerçant des pressions sur les partenaires. L’approche européenne consiste en une réaction ferme afin de défendre ses intérêts, mais mesurée en vue de contenir les initiatives protectionnistes. Elle s’attache à refuser une logique de confrontation et à éviter une guerre commerciale aux conséquences imprévisibles. Dans ce conflit, l’Union européenne s’en tient à l’état de droit et réagit de manière pragmatique : lancement de procédures judiciaires contre les États-Unis à l’OMC; ciblage d’une liste de produits américains avec des droits supplémentaires ; lancement d’une enquête sur l’application éventuelle de mesures de sauvegarde afin de protéger les marchés européens de l’acier et de l’aluminium des dommages causés par des importations supplémentaires susceptibles d’entrer dans l’Union à la suite de la fermeture du marché américain. 

Toutefois, le 18 mars dernier, avant même que la commissaire européenne au commerce, Cecilia Mälmstrom, ne parte à Washington pour tenter de calmer les amorces d’une guerre commerciale sur l’acier avec les Etats-Unis, le ministre allemand de l’économie, Peter Altmaier, était déjà sur place à défendre les intérêts allemands. Un affront , à la fois pour la Commission européenne et la France ; la venue du ministre allemand tendant à démontrer que l’Allemagne continue de se comporter en leader incontesté.

On souligne la dissidence entre les deux pays frontaliers : alors que Peter Altmaier (CDU) insistait pour des discussions immédiates avec Washington, son homologue français Bruno Le Maire les refusait. Dans les journaux allemands, on met en évidence que Bruno Le Maire et le Président Emmanuel Macron voulaient en effet taper du poing sur la table et refusaient de négocier « avec un pistolet sur la tempe » alors que Altmaier (et la chancelière Angela Merkel) avaient en tête, le coût potentiel sur l’industrie allemande touchée plus durement par les sanctions douanières que les industries françaises.

Paris et Berlin sont à ce jour toujours divisés sur l’ouverture de négociations en vue d’un accord commercial limité avec les Etats-Unis, qui menacent toujours de taxer les automobiles européennes. Entre Paris et Berlin, l’UE cherche sa voix face à Trump. Les ministres européens du Commerce se retrouvaient vendredi à Bucarest pour une première discussion politique sur le sujet, avec l’objectif de parler d’une seule voix face à l’imprévisible Donald Trump. ET les négociations reprennent depuis peu, malgré une position forte de la France sur la problématique « climate »

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