La libre circulation des personnes

Tout citoyen européen ainsi que les membres de sa famille peuvent se déplacer dans un autre pays de l’Union européenne pour voyager, étudier, travailler et même résider.

A l’origine, la liberté de circulation des personnes avait une signification économique : elle concernait essentiellement les travailleurs, salariés comme indépendants.

Elle a par la suite été généralisée à l’ensemble des ressortissants de l’UE par un paquet de directives du 28 juin 1990. Aujourd’hui consacrée à l’article 3 du traité sur l’Union européenne et à l’article 21 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), la liberté de circulation et de séjour est également garantie par l’article 45 de la Charte européenne des droits fondamentaux. Elle représente l’un des attributs de la citoyenneté européenne, mais reste soumise à certaines conditions. Dans son aspect économique, elle revêt principalement deux aspects : la libre circulation des travailleurs et le droit d’établissement.

Le Royaume-Uni, depuis son départ de l’Union européenne le 31 janvier 2020, continue d’appliquer la libre circulation des citoyens européens pendant la période de transition, qui doit s’achever le 31 décembre 2020. Ensuite, les droits des citoyens européens déjà établis outre-Manche et des Britanniques résidant déjà sur le continent sont protégés par l’accord de retrait. En revanche, le sort de ceux qui souhaiteront s’expatrier à partir de 2021 est encore à négocier…

Par ailleurs, l’une des principales réalisations de l’Union européenne en matière de libre circulation des personnes est l’abolition des contrôles entre les pays membres de l’espace Schengen. Au sein de cet espace (qui ne correspond pas exactement au territoire de l’Union européenne) les voyageurs peuvent traverser des frontières sans contrôle d’identité systématique. A l’heure actuelle, 22 pays membres de l’UE y sont intégrés, auxquels s’ajoutent 4 pays associés qui ne font pas partie de l’Union européenne, et qui disposent d’accords bilatéraux spécifiques : Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse. Les 5 autres pays membres de l’UE ont soit obtenu des exemptions pour ne pas avoir à y participer (comme l’Irlande) soit sont amenés à y adhérer à l’avenir (comme la Bulgarie, Chypre, la Roumanie, ou encore la Croatie qui a entamé la procédure d’adhésion en 2015).

Le fonctionnement de l’espace Schengen

Europe, UE, Schengen, zone euro : quelles différences ?

Cette liberté de circulation sans contrôle dans l’espace Schengen a pour contrepartie une harmonisation de la surveillance aux frontières extérieures, une politique commune des visas de court séjour et une coopération policière et judiciaire.

Depuis l’entrée en vigueur de l’accord de Schengen, les Etats membres de l’Union européenne ont ainsi, peu à peu, mis en commun plusieurs compétences relatives à l’immigration et à l’asile.

La politique européenne d’immigration et d’asile

La libre circulation des travailleurs

Le traité de Rome (1957) prévoyait déjà que « la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté« .

Le chapitre sur la libre circulation des travailleurs a été repris presque sans modification dans le traité de Lisbonne (2009). L’article 48 du TFUE apporte cependant un changement notable en ce qui concerne la coordination des régimes de sécurité sociale des travailleurs salariés migrants en l’étendant aux travailleurs indépendants et en lui appliquant le vote à la majorité qualifiée.

En 2019, 17 millions d’Européens vivaient ou travaillaient dans un État membre autre que celui de leur nationalité, soit plus de 3% de la population de l’Union européenne (UE 28)

Conformément à l’article 45 du TFUE, cette liberté comporte le droit de chercher un emploi, de travailler et de résider à cette fin dans un autre Etat membre. Il s’agit aussi de « l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail« . L’article 45 du TFUE s’applique aux travailleurs migrants, c’est-à-dire aux ressortissants d’un Etat membre qui quittent leur pays d’origine pour aller travailler dans un autre Etat membre.

Le traité ne définit pas le « travailleur« , il faut en rechercher la définition dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle il s’agit de toute personne qui :

  • entreprend un travail réel et effectif ;
  • sous la direction d’une autre personne ;
  • pour lequel elle est rémunérée.

Toujours selon la jurisprudence de la CJUE (arrêt Bosman), l’article 45 s’applique également aux sportifs professionnels.

Les travailleurs indépendants, les prestataires de services, les étudiants, les retraités, les employés de l’administration publique et les personnes inactives sont, eux, couverts par d’autres dispositions du droit européen.

Si la libre circulation des travailleurs est autorisée dans l’espace de l’Union, elle est même encouragée par les traités : l’article 47 du TFUE prévoit par exemple que « les Etats membres favorisent, dans le cadre de programmes commun, l’échange de jeunes travailleurs« .

La libre circulation des travailleurs impose le respect des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement. Ainsi, tout citoyen qui recherche un emploi dans un autre Etat membre doit avoir accès à l’Office national pour l’emploi de ce pays, bénéficier du même accompagnement et des mêmes aides qu’un ressortissant de l’Etat membre d’accueil. Il a le droit de séjourner dans ce pays le temps nécessaire à la recherche d’emploi et au recrutement. De même, quel que soit son statut (salarié, indépendant, saisonnier…), il bénéficie du même traitement en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération, de licenciement, ou encore les avantages fiscaux et sociaux. Il bénéficie également des mêmes droits syndicaux que les travailleurs nationaux.

Une directive de 2004 prévoit néanmoins que le pays d’accueil est en droit de demander au travailleur originaire d’un autre Etat membre de signaler sa présence sur son territoire dans un délai raisonnable, voire de s’y enregistrer au-delà de trois mois. Un droit de séjour permanent lui est acquis au bout de cinq années consécutives.

La législation européenne reconnaît également le regroupement familial qui permet à tout membre de la famille d’un travailleur, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec ce dernier dans le pays d’accueil. Auparavant, ce droit concernait exclusivement le conjoint marié ainsi que les enfants de moins de 21 ans ou à charge et les ascendants à charge. Une directive de 2004 l’a élargi au partenaire non marié lorsque le pays d’accueil reconnaît à ce partenariat une valeur équivalente au mariage (par exemple le PACS en France).

Restrictions

Il existe cependant un certain nombre de restrictions au séjour ou à l’exercice d’un emploi dans un autre Etat membre.

L’article 45, paragraphe 3, du TFUE prévoit que tout Etat membre peut limiter l’entrée ou le séjour de certains travailleurs « pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique« . Toute mesure d’éloignement doit cependant être justifiée par l’Etat membre et ne peut en aucun cas être une interdiction à vie.

Le paragraphe 4 du même article prévoit que les droits liés à la libre circulation « ne sont pas applicables aux emplois dans l’administration publique« . La jurisprudence de la CJUE a cependant limité cette restriction, notamment dans un arrêt de 1986, aux emplois « qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ou des autres collectivités publiques, et supposent ainsi, de la part de leurs titulaires, l’existence d’un rapport particulier de solidarité à l’égard de l’État, ainsi que la réciprocité des droits et devoirs qui sont le fondement du lien de nationalité« .

Lorsque des Etats membres adhèrent à l’Union européenne, des périodes transitoires de sept ans maximum peuvent être mises en place. Pendant ces périodes, la libre circulation des travailleurs peut être restreinte. Ce fut le cas jusqu’en 2011 pour les ressortissants des Etats membres entrés dans l’Union en 2004 (exceptés Chypre et Malte), et jusqu’au 31 décembre 2013 pour les ressortissants bulgares et roumains (pays ayant adhéré à l’UE en 2007). Aujourd’hui, seule la Croatie, entrée dans l’UE le 1er juillet 2013, est encore en période transitoire. L’Autriche est le dernier pays à restreindre l’accès des Croates à son marché du travail.

Travailler dans l’Union européenne en tant que ressortissant d’un nouvel Etat membre

Initiatives en faveur de la libre circulation des travailleurs

Afin d’encourager et de favoriser la libre circulation des travailleurs, et donc d’achever le marché intérieur, l’Union européenne s’est progressivement dotée d’une législation visant à lever les obstacles qui continuent d’exister, notamment en matière de reconnaissance des diplômes, de sécurité sociale ou de retraite. Les barrières administratives restant cependant importantes, la Commission veille à la bonne application des dispositions européennes et peut sanctionner les Etats membres qui tardent à transposer les directives.

En 2019, une Autorité européenne du travail (AET) a également vu le jour, afin de garantir que « toutes les règles de l’UE en matière de mobilité des travailleurs sont mises en œuvre de manière juste, simple et efficace« . Cet organisme européen aide les citoyens à connaître leurs droits, et les Etats membres à les faire respecter. Composé d’environ 140 agents recrutés progressivement d’ici à 2023, sa raison d’être est notamment de donner aux citoyens de l’UE un accès à de bonnes prestations sociales dans leur pays d’accueil.

Qu’est-ce que l’Autorité européenne du travail ?

L’obstacle le plus important à la libre circulation effective des travailleurs dans l’UE reste la reconnaissance des diplômes. Instauré par une directive en 1989, complété en 1992, le système de reconnaissance mutuel des diplômes a été profondément réformé en 2005. Il doit permettre à tout citoyen de l’UE qualifié qui souhaite exercer sa profession dans un autre Etat membre d’obtenir la reconnaissance de ses qualifications, dans la mesure où la profession y est réglementée. Il repose sur deux critères : avoir la nationalité d’un Etat membre de l’Union et être pleinement qualifié pour exercer la profession en question.

Certaines professions sont réglementées et font l’objet de directives sectorielles. La reconnaissance est automatique pour les professions suivantes : médecin (généraliste ou spécialiste), infirmier en soins généraux, sage-femme, vétérinaire, dentiste, pharmacien et architecte.

Afin d’améliorer le système pour les autres professions, une directive sur une meilleure reconnaissance des qualifications professionnelles entre pays européens a été adoptée en 2013. Elle instaure notamment une « carte professionnelle européenne« .

Depuis 1993, le réseau EURES encourage également la mobilité des travailleurs européens. Il s’agit d’un réseau de coopération entre la Commission, les services publics de l’emploi des Etats membres de l’Espace économique européen (EEE) et d’autres organisations partenaires, ainsi que la Suisse. Il fournit des informations, des conseils et des services de recrutement/placement aux travailleurs et aux employeurs, ainsi qu’à tout citoyen désireux de circuler dans l’UE.

En outre, la mobilité des travailleurs est facilitée et encouragée par des mesures d’harmonisation des législations des Etats membres notamment en matière sociale. C’est le cas par exemple avec l’adoption d’un système de carte européenne d’assurance maladie et d’une directive relative aux soins de santé transfrontaliers ; ou encore de deux règlements (en 2004 et 2009) sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Le droit d’établissement

Le droit d’établissement implique l’installation durable d’un ressortissant de l’UE dans un autre Etat membre pour y exercer une activité économique. Il est défini par l’article 49 du TFUE, selon lequel « la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises […] dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants« . Ainsi, tout intéressé peut, en se fondant sur l’article 49 du TFUE, exiger directement le même traitement que celui qui est appliqué aux nationaux, selon une décision de la CJUE (affaire Reyners) de juin 1974.

Dès lors, tout ressortissant d’un pays membre de l’UE bénéficie du droit d’entrer et de séjourner dans le pays membre où il souhaite travailler ou exercer une activité. Un droit qui s’étend au conjoint, aux enfants et aux autres membres de la famille. Le travailleur non salarié et les membres de sa famille qui ont résidé dans un État membre d’accueil au cours d’une période continue de cinq ans ont un droit de séjour permanent dans cet État.

La carte de séjour délivrée par les autorités de chaque pays sur présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport atteste du droit de séjourner dans l’Etat membre.

Conditions de ressources et limitation d’accès aux prestations sociales

La CJUE s’est également prononcée sur les cas de limitation d’accès aux prestations sociales pour les citoyens de l’UE ne travaillant pas ou plus. Dans un arrêt du 15 septembre 2015, la CJUE a décidé que « le fait de refuser aux citoyens de l’Union dont le droit de séjour sur le territoire d’un Etat membre d’accueil est seulement justifié par la recherche d’un emploi le bénéfice de certaines prestations spéciales en espèces à caractère non contributif […] n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement« .

La Cour a, dans ce même arrêt, établi deux scénarios pour conférer un droit de séjour à un demandeur d’emploi :

  • Si un citoyen de l’Union qui a profité d’un droit de séjour en tant que travailleur se trouve en chômage involontaire après avoir travaillé pendant une période de moins d’un an et s’il s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent, il conserve le statut de travailleur et le droit de séjour pendant au moins six mois. Tout au long de cette période, il peut se prévaloir du principe d’égalité de traitement et a droit à des prestations d’assistance sociale.
  • Lorsqu’un demandeur d’emploi de l’Union n’a pas encore travaillé dans l’Etat membre d’accueil ou lorsque la période de six mois est expirée, il ne peut pas être éloigné de cet Etat membre tant qu’il est en mesure de faire la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances réelles d’être engagé. Dans ce cas, l’Etat membre d’accueil peut cependant refuser toute prestation d’assistance sociale.

La législation européenne (directive 2004/38/CE) stipule également que « les étudiants et les personnes sans emploi rémunéré, comme les personnes retraitées, doivent disposer de ressources suffisantes pour eux-mêmes et les membres de leur famille, afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale du pays d’accueil, et d’une assurance maladie complète« .

Voyager et étudier dans l’UE

La libre circulation peut s’appliquer également si vous souhaitez voyager ou étudier dans l’Union européenne. Pour plus d’informations, consultez nos rubriques Droits et démarches dédiées aux voyages et aux études.

En particulier, pour plus d’information sur les conditions entourant le séjour de plus de trois mois des personnes non-actives dans un autre pays membre, consultez notre synthèse dédiée.

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