La concurrence dans l’Union européenne

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Synthèse


07.02.2019

Jules Lastennet et Justine Daniel

La politique de la concurrence est indissociable de la construction européenne et du fonctionnement du marché unique européen. Compétence exclusive de la Commission européenne, cette dernière dispose de moyens étendus pour contrôler et empêcher les ententes, abus de positions dominantes, monopoles, concentrations et aides d’Etat.

Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence

Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence – Crédits : Parlement européen

Dans le monde, chaque pays organise sa propre politique de la concurrence. En Europe comme dans d’autres pays, les règles régissant la concurrence laissent dans une large mesure la possibilité aux entreprises étrangères de s’implanter et d’opérer sur le continent.

La politique de la concurrence est une composante historique de la construction européenne, et ce depuis les années 1950. Tel qu’il a été conçu, le marché unique européen est supposé garantir et fonctionner avec une concurrence libre, loyale et non faussée.

Les objectifs de la politique européenne de concurrence

Selon la théorie économique néoclassique, une concurrence libre, loyale et non faussée est un moyen d’amélioration économique. La pression effectuée par les potentiels concurrents sur les entreprises présentes sur le marché et la concurrence que se livrent entre elles doit encourager l’innovation, qui améliore leur efficacité et leur compétitivité. Elle conduit également à faire baisser les prix pour les consommateurs et augmenter la diversité des produits présents sur le marché. Les consommateurs peuvent donc accéder à plus de biens, et à des biens moins chers. Une meilleure concurrence est donc un cadre susceptible d’offrir des avantages pour le progrès économique et social.

Cette politique concurrentielle est ainsi censée donner à l’industrie européenne un cadre juridique et des conditions économiques qui lui permettent de se moderniser pour faire face à la concurrence internationale. Pour autant, la politique concurrentielle de l’UE fait l’objet de nombreuses critiques. Elle est notamment accusée par ses détracteurs d’être inadaptée au monde actuel, alors que les règles régissant le multilatéralisme depuis la fin de la seconde guerre mondiale – sanctions en cas de subventions excessives aux entreprises, par exemple – sont remises en question.

Le fonctionnement

Dès 1957, le traité de Rome prévoit déjà des règles de concurrence qui visent en particulier le droit aux autorités européennes de surveiller les cartels, afin d’évaluer leur impact sur la concurrence et l’interdire s’il est jugé nuisible pour le consommateur ou la concurrence.

Le droit européen de la concurrence est ensuite renforcé dans les années 90 avec l’apparition notamment du contrôle des concentrations et lorsque de nombreux secteurs auparavant confiés à des monopoles nationaux ont été ouverts à la concurrence. Le droit européen de la concurrence, qui s’impose à l’ensemble des pays de l’UE, est à présent régi par le titre VII du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE).

Afin que ces règles soient respectées, un arbitre neutre et intègre, placé au-dessus de la mêlée des intérêts nationaux est indispensable. C’est donc la Commission européenne qui a la compétence exclusive de la mise en œuvre du droit européen de la concurrence, de la surveillance des marchés, du contrôle des concentrations et des sanctions en cas de non-respect des règles.

Elle ne s’intéresse cependant qu’aux cas de dimension européenne – définis selon différents critères sur le chiffre d’affaires, entre autres – et est assistée par les autorités nationales qui sont chargées d’appliquer le droit européen dans chaque Etat membre.

La Commission est donc chargée de l’application des règles anti-trust (ententes, des abus de position dominante, des monopoles, des concentrations) et contrôle également les aides accordées par les Etats membres aux entreprises : les aides d’Etat (voir encadré).

D’une manière générale, la Commission, plus précisément la direction générale de la Concurrence (DG Concurrence), dispose d’un pouvoir d’enquête sur les pratiques des entreprises, lui donnant la possibilité de lancer des procédures à leur encontre et, in fine, de prononcer des sanctions financières. Ces dernières peuvent être très lourdes et atteindre jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise.

Quelques définitions utiles
Une entente (ou cartel) désigne un partage de marché, une fixation de quotas de production, ou un accord sur les prix entre plusieurs entreprises. Un monopole est une situation de marché dans lequel une unique entreprise fournit un bien ou un service aux acheteurs.
Un abus de position dominante désigne la domination d’un marché par une entreprise qui utilise cette situation favorable pour imposer des conditions de vente déloyales. Les positions dominantes ne sont pas interdites, seulement les abus.
Une concentration désigne la fusion de plusieurs entreprises donnant naissance à une nouvelle société ou l’acquisition d’une entreprise par une autre. Une concentration est interdite si elle crée ou renforce une position dominante susceptible de conduire à des abus.
Une aide d’Etat est une subvention publique accordée à une entreprise. Selon les traités européens, une aide d’Etat est incompatible avec le marché commun lorsqu’elle est accordée par un Etat, qu’elle menace de fausser la concurrence et qu’elle favorise certaines entreprises ou certaines productions. Elle est cependant autorisée dans certains cas, pour lesquels l’intervention de l’Etat est jugée nécessaire.

 

Ententes et cartels

Le DG Concurrence s’emploie notamment à sanctionner les pratiques anticoncurrentielles sur le front des ententes (article 101 du TFUE).  

Après une enquête d’une durée de plusieurs années, la Commission a condamné cinq constructeurs automobiles – DAF Trucks (Pays-Bas), Daimler (Allemagne), Iveco (Italie) et les Suédois Volvo et Scania – à se partager une amende record de 2,93 milliards de dollars. En cause : une entente (dénoncée par l’un de ses membres) sur le prix et le calendrier d’introduction des technologies permettant de diminuer les émissions polluantes. L’objectif : faire payer aux acheteurs les coûts de mise en conformité avec les règles en matière d’émissions de CO2…

Monopoles surveillés…

Le droit européen s’intéresse notamment aux situations de monopole qui peuvent conduire à des abus de position dominante. En septembre 2017, la Commission a condamné Google pour abus de position dominante. L’entreprise américaine est accusée d’accorder à son propre service de comparaison des prix, Google Shopping, une place prépondérante, rétrogradant les comparateurs de prix concurrents plus bas sur la page, dans les résultats de la recherche. Le service de Google n’était pas soumis aux algorithmes de recherche générique de Google.  Ainsi Google Shopping était relativement plus utilisé car bien plus visible, empêchant ainsi d’autres entreprises de lui faire concurrence et les consommateurs européens de bénéficier des services, normalement en tête de gondole. Outre une amende de 2,42 milliards d’euros, le géant américain s’est vu contraint de mettre fin à ce comportement illégal sous 90 jours.

Auparavant, d’autres firmes ont également été sanctionnées pour abus de position dominante, dont Microsoft pour avoir systématiquement incorporé son propre moteur de recherche à son système Windows 7, ou encore Gazprom, pour avoir pratiqué des prix trop élevés dans huit pays d’Europe orientale.

La concurrence pour les entreprises : ententes et abus de position dominante

…et concentrations contrôlées

Et afin d’éviter la création d’entreprises en situation de monopole, qui pourraient ainsi fausser la concurrence et l’innovation, la Commission européenne interdit parfois certaines concentrations d’entreprises (article 103 TFUE). Elle examine l’impact d’une fusion de dimension européenne (selon différents critères sur le chiffre d’affaires des parties prenantes et le nombre d’Etats membres concernés) sur la concurrence.

Dans la plupart des cas, l’exécutif autorise la fusion : seuls trente cas examinés sur les 6 000 depuis les années 1990 ont été interdits. Mais en février 2019, elle a refusé le projet d’acquisition du français Alstom par l’allemand Siemens dans le secteur ferroviaire. Selon la commissaire Margrethe Vestager :  » cette concentration aurait entraîné une hausse des prix pour les systèmes de signalisation qui assurent la sécurité des passagers et pour les futures générations de trains à très grande vitesse« . Ce qui aurait conduit à une augmentation des prix pour les passagers.

Cette dernière décision a cependant fait l’objet de nombreuses contestations et a relancé un vieux débat sur la politique de concurrence européenne. La Commission est critiquée ici pour avoir empêché la création d’un « champion européen », qui pourrait faire face, ici dans le secteur ferroviaire, à la concurrence chinoise. Elle est accusée d’être trop tournée vers le marché intérieur et d’appliquer trop strictement le droit concurrentiel au détriment de l’émergence d’entreprises prêtes à faire face aux menaces concurrentielles dans certains secteurs stratégiques. Et ce alors que le multilatéralisme et les règles commerciales de l’OMC sont remises en question.

Le contrôle des concentrations

Les aides d’Etat : une méthode contre l’évitement fiscal

La DG Concurrence surveille également les aides aux entreprises effectuées par les États membres. Dans ce domaine, la Commission européenne s’attaque notamment aux distorsions de concurrence dans le domaine fiscal – mais elles peuvent prendre différentes formes : prêts à taux faibles, subventions, investissement public, etc. Cependant, afin d’attirer des grosses entreprises – ou du moins leurs sièges sociaux vers lesquels elles transfèrent leur profits – certains Etats se permettent de leur accorder des avantages fiscaux au cas par cas. La Commission considère que cela fausse la concurrence, et assimile de telles pratiques à des aides d’Etat. En octobre 2017, Amazon a ainsi été condamnée à rembourser 250 millions d’euros d’arriérés d’impôts à l’Etat luxembourgeois.

Une firme comme Apple s’est également vu infliger une obligation de remboursement de 13 milliards d’euros en 2016 pour avoir bénéficié d’un traitement fiscal privilégié en Irlande. L’ensemble des bénéfices de la société était ainsi enregistré dans le pays qui lui avait accordé un rescrit fiscal l’exonérant presque totalement d’impôts (0,005% en 2014 d’après la Commission européenne). Une pratique interdite selon Bruxelles, pour qui il s’agirait d’une aide d’Etat déguisée. L’entreprise française Engie, possédée à 33% par l’Etat, est également sous le coup d’une enquête similaire de la part de la Commission, pour son accord fiscal avantageux passé avec le Luxembourg.

Cependant, plusieurs observateurs constatent que les dispositions concernant le droit de la concurrence sont utilisées pour résoudre un problème fiscal, qui est la conséquence directe d’un manque d’harmonisation fiscale au sein du marché intérieur.

La Commission évalue chaque affaire de très près et ne met pas en œuvre le droit de la concurrence de façon aveugle. Elle a par exemple autorisé l’Etat français en 2016 à fournir une aide de 4 milliards d’euros à Areva afin d’éviter la faillite de l’entreprise.

Le contrôle des aides d’Etat

Comment le droit de la concurrence européenne s’applique-t-il aux services publics ? Le droit européen de la concurrence s’applique à toutes les entreprises privées ou publiques. Seuls les services publics non marchands, comme par exemple l’éducation ou la protection sociale, ne sont pas concernés. Les règles européennes s’appliquent seulement partiellement aux services d’intérêts économiques général (SIEG), que sont par exemple les télécommunications, les transports, le gaz ou encore l’électricité. Ils sont soumis au droit de la concurrence, mais « dans les limites où l’application de ses règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie » (article 106 TUE). L’ouverture à la concurrence de ces secteurs s’accompagne en outre d’une « garantie de service universel » (accessibilité et qualité pour tous). Cela signifie que les pays européens sont autorisés à compenser le coût de service public assumé par ces entreprises afin de garantir la qualité de ces services et de leur accessibilité. Lire aussi :  Les monopoles publics dans le droit de la concurrence

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https://www.touteleurope.eu/actualite/la-concurrence-dans-l-union-europeenne.html