Quel impact économique du #Brexit entre RU et Europe – Prospective du #PE

Etudiants à l’@ESSEC : Gabrion Juliette, Gelmetti Louis, Hatami Lyra, Huiban Jean-Baptiste, Goibert Morgane, Tavant Marie évoquent à leur manière le Rapport du PE sur les relations commerciales entre le RU et l’UE apres le Brexit dont l’issue demeure inconnue.

Une équipe du cours Droit et politiques de l’Europe est en veille sur ce sujet important… La suite au prochain épisode, on parlera de Michel Barnier

Que nous disent-ils au 1er Novembre 2017 ?

Rappel : En mars 2017, le Parlement Européen a publié un rapport fourni sur les différents scénarios possibles de l’évolution des relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne à 27  qui estime l’impact quantitatif et qualitatif du Brexit sur les 2 parties, une fois l’article 50 du Traité de l’Union Européenne (dont les étapes sont résumées  ci-dessous) appliqué.

Source : touteleurope.eu.

  1. Quels sont les liens (commerciaux, financiers, population) entre le Royaume Uni et l’UE27 ?

Le rapport rappelle la nature et quantifie les liens entre le Royaume-Uni et l’UE27 au niveau du commerce des biens et services, des IDE, du budget et de la citoyenneté.

Exportations et Investissements Directs à l’étranger (IDE)

Si  l’UE à 27 exporte plus en valeur que le Royaume-Uni, en part de PIB, les exportations du Royaume-Uni vers l’UE à 27 représentent 7,5% du PIB britannique alors  que les exportations de l’UE27 ne représentent que 2,5% de son PIB. En ce qui concerne les IDE,  45% de ceux de l’UE27 concernent des opérations financières. Le stock d’IDE en provenance du Royaume-Uni en UE représente 26,6% du PIB britannique. Le rapport souligne une difficulté toute particulière à trouver des statistiques fiables sur ces IDE. Les statistiques miroirs montrent ainsi de nombreuses contradictions et selon la vision, la position d’investisseur net peut changer d’un pays à l’autre (c’est le cas entre l’Italie et le Royaume-Uni notamment).

Budget de l’Union Européenne

Le départ du Royaume-Uni laissera un trou de 9 milliards d’euros dans le budget de l’UE. Celui-ci pourrait être partiellement comblé si le Royaume-Uni continue à apporter une contribution, par exemple dans le cadre d’un CFTA (Comprehensive Free Trade agreement). Les estimations donnent une contribution maximale d’environ 3.5 milliards, l’équivalent proportionnel de ce que paye la Norvège pour appartenir à l’EEA. Si aucun CFTA n’est conclu, les barrières tarifaires prendront le relais et l’estimation de ce que paierait le Royaume-Uni est de 4.5 milliards d’euros. L’Union Européenne récupérera donc entre un tiers et la moitié de l’ancienne contribution du Royaume-Uni à son budget.

La circulation des personnes

Le nombre de citoyens européens vivant au Royaume Uni en 2016 était estimé à 3,35 millions de personnes, comprenant majoritairement des travailleurs (plus de 2 millions de personnes). Le flux d’entrée de migrants depuis l’UE-27 vers le Royaume Uni représentait 263 600 personnes, alors que le flux de sortie ne représentait que 89 300 personnes. Cependant, en raison du climat de tensions généré par la campagne du Brexit et des tendances xénophobes en hausse, il se pourrait que les flux de migration entre le Royaume-Uni et le Brexit s’évaluent à la baisse.

  1. Les  scénarios du  Divorce ?

Les conséquences du Brexit dépendent bien sûr du mode de sortie qui sera choisi. Le scénario le plus optimiste :rester dans l’EEE (Espace Economique Européen) a été écarté. Il reste deux principales alternatives : un traité type Comprehensive Free Trade Agreement (offrant diverses possibilités), ou la simple appartenance à l’OMC.

Un  Comprehensive Free Trade Agreement (CFTA) :

La Première Ministre, dans son discours du 17 février 2017  semble favorable à un nouvel accord de libre échange “ambitieux et audacieux” allant plus loin qu’une simple suppression des tarifs douaniers.

« Nous quittons l’Union Européenne mais nous ne quittons pas l’Europe. » Théresa May

Le but du Royaume-Uni est  d’obtenir un accès le plus large possible au marché unique de l’UE à 27 sans en faire partie (il s’agirait de se rapprocher du modèle du CETA Canadien).

OU

Une simple appartenance à l’OMC :

C’est ce qui attend les deux parties si aucun traité n’arrive à être négocié. Les liens commerciaux se réduiront à l’appartenance à l’OMC . En ce cas en prenant la structure actuelle des exportations du Royaume-Uni vers l’UE27, la moyenne des barrières douanières serait de 3.8%. Au sein même de ce scénario il faut toutefois envisager une sous-possibilité, plus pessimiste encore, qui serait celui d’une escalade protectionniste. Le Royaume-Uni pourrait opter pour des barrières tarifaires élevées qui viendraient compenser ses pertes et l’UE à 27 y répondrait certainement.

  1. L’impact quantitatif et qualitatif du Brexit au Royaume-Uni et dans l’UE27

Le document caractérise ces impacts au Royaume-Uni et dans l’Union Européenne à 27, considérant à la fois la solution optimiste et la solution pessimiste.

Un constat : le Royaume-Uni sera plus durement touché

L’impact du Brexit sur le PIB affectera, d’après les prévisions, plus durement le Royaume-Uni que l’UE à 27. D’après les différentes études menées et citées, d’ici 2030, le Brexit engendrerait une baisse du PIB britannique de 2,7% à 7,7% (dépendant du mode de sortie), tandis que celui européen ne baisserait au maximum que de 0,8%. Au niveau macroéconomique, les conséquences pour l’UE à 27 seraient plus minimes.

Un impact  sectoriel et selon les  pays  plus ou moins difficile à « encaisser »

Le rapport permet également d’avoir un aperçu des conséquences du Brexit de manière par secteurs. Certaines entreprises risquent  de souffrir, comme le secteur automobile. De même, certains pays sont plus concernés: l’Irlande, les Pays-Bas, Malte et Chypre sont en effet très liés au voisin britannique, et souffriront vraisemblablement plus que les autres. Le cas de l’Irlande est particulièrement marquant car celle-ci souffrirait dans les mêmes proportions que le Royaume-Uni du Brexit, la dépendance commerciale irlandaise vis-à-vis du Royaume-Uni étant équivalente à celle du Royaume-Uni envers l’UE à 27.

Un impact qualitatif encore difficile à capter

Analyser ce qui n’est pas pris en compte par les modèles n’esr pas évident. Le Brexit ne consiste pas  en un simple réajustement de politique commerciale. Il faut prendre en compte les tensions politiques, le climat de confiance en Europe et hors Europe. On aura en tête le fait que l’idée qu’une sortie de l’UE est possible pourrait encourager d’autres pays à envisager une telle sortie, ce qui contribue à l’incertitude ambiante. De même, le rapport souligne que la redirection des IDE n’est aujourd’hui pas prise en compte par les modèles. Or celle-ci pourrait avoir un impact important. Nombre d’investisseurs étrangers utilisaient le Royaume-Uni comme porte d’entrée vers l’UE. Maintenant que celui-ci n’est plus membre, l’IDE dirigé vers le Royaume-Uni va-t-il diminuer pour se rediriger vers l’UE27 ? Ou les IDE vers l’UE27 vont-ils tout simplement diminuer car seront dirigés vers le Royaume-Uni qui va tout faire pour créer une attractivité du territoire?

  1. Quelques enseignements 

Un doute sur la fiabilité des estimations économiques des modèles: l’évaluation du rapport est extrêmement prudente et son principal message est: « nous ne pouvons pas savoir ».  Les chiffres sur lesquels se fondent les modèles ne sont pas totalement fiables (cf les statistiques miroirs erronées) et selon les hypothèses prises, les modèles donnent des estimations de pertes de PIB de degrés assez divers.

La difficulté à prioriser un des scénarii

Aucun scénario n’est réellement privilégié. Si T. May affirme vouloir un traité approfondi, elle cherche néanmoins le moins de contraintes possibles et  a notamment affirmé qu’elle préférait une absence d’accord plutôt qu’un mauvais accord. Tous les scénarios sont donc valables et il est difficile de les hiérarchiser pour définir le plus probable. Toutefois le rapport milite plutôt pour un Brexit “optimiste” et non pas pour un Brexit dur, qualifié de “pessimiste”. Or, d’un point de vue strictement européen, considérant les faibles conséquences globales du Brexit sur l’économie de l’Union, ce choix n’est pas  évident. Le Royaume-Uni a tout intérêt à sortir de l’Union “en douceur”,mais l’UE quant à elle pourrait choisir de le punir en lui imposant un Brexit dur, pour prendre en compte des considérations politiques et diplomatiques. Cela permettrait d’éviter que d’autres pays dont les gouvernement actuels sont peu europhiles, comme la Pologne ou la Hongrie, largement réfractaires par exemple t à la question des migrants suivent la voie britannique. Mais l’UE pourrait également choisir de ne pas faire d’exemple, le Royaume-Uni restant un de ses partenaires principaux, afin de ne pas affoler les marchés financiers ; au risque d’envoyer un signal de faiblesse aux pays tentés par une sortie des 27, et aux autres partenaires internationaux.

Des effets extra-européens peu évoqués

N’est-il pas vraisemblable de considérer que les investissements d’autres régions du monde se verront modifiés par le Brexit ? Au Japon, nombre d’investisseurs ont fait savoir qu’ils favoriseraient l’UE plutôt que le Royaume-Uni, ce qui est sans doute un sentiment partagé par d’autres acteurs de premier plan (Etats-Unis, Chine, pays émergents…). Même si les conséquences de ces déclarations sont difficiles à prédire, elles ont toutes leur place dans une évaluation des risques ou des bénéfices, tant pour le Royaume-Uni que pour l’Union. Au delà des conséquences économiques, le Brexit subira  des conséquences diplomatiques et politiques.  Pierre Verluise revient sur l’impact géopolitique du Brexit sur l’Union, en tant qu’acteur global sur  touteleurope.eu (en partenariat avec Diploweb.com)

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Nota biblio: Rapport de 60 pages  IP/A/IMCO/2016-13 March 2017 PE 595.374 du Policy Department on Economic and Scientific Policies for the Committee on Internal Market and Consumer Protection.