[Fact checking] Heure d’été et heure d’hiver : on ne changera plus en 2019 ?

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Actualité


27.03.2019

Marie Guitton

On ne devrait bientôt plus changer d’heure dans l’Union européenne. C’est en tout cas la volonté du Parlement européen, qui s’est prononcé sur le sujet le mardi 26 mars 2019. De toute façon, il paraît que l’heure d’été ne permet plus d’économiser de l’électricité. Mais on dit qu’après la réforme, tous les pays de l’UE auront des heures différentes… C’est vrai ? Toute l’Europe remet les pendules à l’heure.

Crédits : pxhere

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Les Européens en ont assez des changements d’heure ? PLUTÔT VRAI

Tous les Européens changent d’heure à la même date, le dernier dimanche de mars et le dernier dimanche d’octobre, depuis l’harmonisation complète des régimes horaires des Etats membres en 1996. Mais aujourd’hui, la plupart d’entre eux souhaiteraient abolir ce système.

C’est en tout cas ce qui ressort d’une consultation publique lancée sur internet par la Commission européenne entre les mois de juillet et août 2018. Celle-ci a reçu 4,6 millions de réponses, dont 84% favorables à la suppression de ce rituel qui fait tant parler de lui, d’année en année. Les citoyens évoquent d’abord des raisons de santé, mais aussi le fait qu’un tel système ne permettrait plus d’économiser de l’énergie. Viennent ensuite des motivations liées aux loisirs en soirée, à la sécurité routière ou encore au fonctionnement du marché unique européen.

Certes, la très forte participation des Allemands (70% des répondants !), des Français (8,6 %) et des Autrichiens (6 %) fait pencher la balance des résultats de ce questionnaire en ligne, pas vraiment représentatif de l’ensemble de la population. Mais l’analyse par pays montre que dans tous les États membres, les citoyens et les pouvoirs publics (45 contributions proviennent directement des Etats ou des autorités publiques) sont « globalement favorables à la suppression des changements d’heure semestriels, sauf en Grèce et à Chypre où une petite majorité des répondants préfère maintenir les dispositions actuelles« , relève la Commission européenne. A Malte aussi, les avis sont très partagés. Mais en Finlande, en Pologne, en Espagne, en Lituanie et en Hongrie, plus de 90 % des personnes ayant répondu à la consultation en ligne veulent abolir ce système.

Les réponses des citoyens européens à la question : préférez-vous abolir les changements d'heure (en rouge) ou les conserver (en bleu) ?Les réponses des citoyens européens à la question : préférez-vous abolir les changements d’heure (en rouge) ou les conserver (en bleu) ?

 

En France, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a décidé de reconsulter les citoyens sur le sujet, du 4 février au 3 mars 2019. Plus de 2 millions de personnes ont donné leur avis, votant à près de 84 % pour abolir ce système (un résultat à peu près semblable à celui obtenu par la Commission européenne), et à plus de 59 % pour rester à l’heure d’été.

 

En France, on ne changera plus d’heure dès 2019 ? FAUX

La fake news s’est invitée dans tous les foyers le 12 septembre 2018, lorsque la Commission européenne a officiellement proposé de supprimer les changements d’heure.

Cette réforme avait été suggérée par une résolution des eurodéputés sept mois plus tôt. Elle était apparemment plébiscitée par les Européens. Et déjà réclamée par certains Etats membres représentés au Conseil de l’UE. Alors, affaire bouclée ? Pas tout à fait.

D’abord, il n’a jamais été question d’arrêter définitivement les pendules à l’heure d’été ou l’heure d’hiver 2018. La proposition initiale de directive de la Commission européenne prévoyait que les Etats membres arrêteraient, selon leur choix, leurs montres après le passage à l’heure d’été prévu le 31 mars 2019, ou après le retour à l’heure d’hiver le 27 octobre 2019. Ce n’est qu’après ces dates que les changements d’heure n’auraient plus été possibles « en fonction des saisons de l’année« .

Les députés européens se sont toutefois prononcés, mardi 26 mars 2019 (à 410 voix contre 192), pour la suppression du changement d’heure saisonnier dans l’Union européenne en 2021 seulement. Le temps que chaque pays décide s’il souhaite rester à l’heure d’hiver ou l’heure d’été.

Car pour l’instant, les Etats membres peinent à trancher. Si chaque pays « demeure compétent pour décider de son heure légale« , Bruxelles les invite fortement à choisir « en concertation » avec leurs voisins. « L’incidence de ce choix doit être évaluée soigneusement au niveau national« , prévient la Commission. Avant d’envisager d’adopter la nouvelle directive, le Conseil des ministres des transports de l’UE avait donc prévenu les 3 et 4 décembre 2018 à Bruxelles que « les États membres auront besoin de plus de temps pour poursuivre les consultations, tant au niveau interne qu’avec les États membres voisins« . Face à ces tergiversations, la commission des Transports du Parlement européen avait elle aussi proposé, le 4 mars dernier, de repousser l’entrée en vigueur de la réforme à 2021.

En tout état de cause, elle n’entrera donc pas en vigueur à la fin du mois de mars 2019 !

 

Pourquoi chaque pays ne peut-il pas faire ce qu’il veut ?

La résolution adoptée par le Parlement européen en février 2018 a montré qu’une « approche harmonisée » des régimes horaires dans l’ensemble de l’Union était essentielle pour « préserver le bon fonctionnement du marché intérieur« . Eviter, notamment, des « perturbations » dans les transports et les systèmes d’information, une baisse de la productivité liée à des décalages horaires, ou une augmentation des coûts pour le commerce transfrontalier.

 

Après la réforme, tous les pays de l’UE auront des heures différentes ? PLUTÔT FAUX

On l’a vu ci-dessus : chaque Etat membre ne peut pas faire ce qu’il veut. La gestion des changements d’heure au gré des saisons est coordonnée à l’échelle de l’Union européenne. Si la directive qui abolit les changements d’heure est définitivement adoptée, cette décision s’appliquera à tous les Etats membres, sans exception.

Mais ces derniers restent libres de choisir les heures légales qui s’appliquent à leurs territoires. En d’autres termes, chaque pays reste libre de choisir d’arrêter sa montre à l’heure d’été ou à l’heure d’hiver. Et c’est bien là le problème.

Car pour l’instant, les stratégies divergent au gré des positions géographiques, culturelles ou économiques. Au nord, où le jour se rétrécit considérablement l’hiver et dure très longtemps l’été, les Finlandais et les Danois aimeraient visiblement conserver l’heure d’hiver. Plus au sud, les variations sont moins fortes et l’on souhaiterait profiter au maximum des longues soirées ensoleillées : les Portugais, les Grecs, les Espagnols ou les Français semblent préférer l’heure d’été.

D’autres considérations rentrent aussi en jeu. Le décalage entre le lever et le coucher du soleil à l’Est et sur la côte Atlantique, par exemple. Les horaires courants d’ouverture des bureaux, des écoles, des magasins et des administrations. L’heure ne revêt pas non plus la même importance dans tous les secteurs d’activités. En octobre dernier, des compagnies aériennes s’étaient par exemple inquiétées d’avoir à modifier dans l’urgence tous leurs plannings de vol, si la suppression des changements d’heure avait lieu dès 2019.

Alors, assistera-t-on à une « belle pagaille« , comme on l’entend ici et là ?

En réalité, il existe déjà trois fuseaux horaires différents sur le continent européen (UTC, UTC+1 et UTC+2), auxquels correspondent les actuelles heures d’hiver.

Si une partie des pays de l’Est (UTC+2) choisissaient de fixer leur nouvelle heure légale sur l’heure d’été, la réforme pourrait donc conduire à l’instauration d’une quatrième zone horaire dans l’UE.

On s’y perd à chaque fois…

Les pays de l’UE sont répartis sur trois fuseaux actuellement :
– l’heure de l’Europe occidentale ou temps universel coordonné (UTC) : Irlande, Portugal et Royaume-Uni ;
– l’heure de l’Europe centrale (UTC+1) : Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie et Suède ;
– l’heure de l’Europe orientale (UTC+2) : Bulgarie, Chypre, Estonie, Finlande, Grèce, Lettonie, Lituanie et Roumanie.

L’heure d’été consiste à « déroger » à son fuseau horaire en avançant sa montre d’une heure le dernier dimanche de mars (il s’agit donc de l’heure normale de son fuseau horaire +1h).

L’heure d’hiver consiste à reculer sa montre d’une heure le dernier dimanche d’octobre (on revient à l’heure normale de son fuseau horaire).

A l’issue de la réforme en cours, tous les pays n’auront donc pas des heures différentes. D’autant plus que, si l’on s’en tient à la consultation menée par la Commission européenne, 56 % des citoyens européens souhaiteraient rester à l’heure d’été, contre seulement 32 % qui préfèreraient l’heure d’hiver. Tous les pays voisins de la France devraient, notamment, choisir l’heure d’été.

Mais il est vrai qu’ailleurs en Europe, si aucun effort de coordination n’était fait et si la réforme venait tout de même à passer, de nouveaux décalages horaires entre pays voisins pourraient voir le jour. Les Danois, les Néerlandais et les Tchèques seraient tentés de repasser à l’heure d’hiver, à l’inverse de leurs voisins qui partagent le même fuseau horaire (l’Allemagne, la Belgique, la Hongrie, la Pologne ou l’Autriche par exemple).

Quant aux Finlandais, qui se trouvent sur le fuseau horaire UTC+2 : s’ils conservaient vraiment l’heure d’hiver, ils se retrouveraient finalement à la même heure que leurs voisins suédois (UTC+1), qui semblent prêts à choisir, eux, l’heure d’été !

Les réponses des citoyens européens à la question : préférez-vous conserver définitivement l'heure d'été (en rouge) ou l'heure d'hiver (en bleu) ?Les réponses des citoyens européens à la question : préférez-vous conserver définitivement l’heure d’été (en rouge) ou l’heure d’hiver (en bleu) ?

 

Le changement d’heure a été expérimenté pendant la Première Guerre mondiale pour économiser le charbon ? VRAI

Le passage à l’heure d’été a été instauré pour la première fois par l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et d’autres belligérants pendant la Première Guerre mondiale. L’objectif était alors d’économiser le charbon, en réduisant sa consommation à des fins d’éclairage.

Déjà en 1784, Benjamin Franklin avait proposé (en vain) d’aligner les horaires d’activité avec le lever et le coucher du soleil en été, pour économiser le « pesant de cire ou de suif« , les bougies et chandelles !

Ces mesures ont généralement été levées à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, avant de faire leur grand retour dans les années 1970. En Italie, en Grèce, au Royaume-Uni, en Irlande, en Espagne… puis en France en 1976, pour faire des économies d’énergie à la suite du choc pétrolier de 1973, et dans d’autres pays européens simplement désireux de s’aligner sur les pays voisins.

Afin d’harmoniser progressivement les dates de début et de fin de l’heure d’été, et ainsi supprimer des obstacles à la circulation des personnes, des biens et des services dans l’UE, des directives européennes sont entrées en vigueur à partir de 1981. Jusqu’à la dernière directive de 2000, fixant définitivement les changements d’heure au dernier dimanche de mars et au dernier dimanche d’octobre.

Ces dernières années, plusieurs voix citoyennes mais aussi institutionnelles se sont toutefois élevées contre ce système. « Un nombre croissant de pays voisins ou de partenaires commerciaux de l’UE ont [quant à eux] choisi de ne pas appliquer ou de supprimer les dispositions relatives à l’heure d’été« , note la Commission européenne. C’est le cas de l’Islande par exemple. Ou de la Chine (qui a supprimé son changement d’heure dès 1991), de la Russie et de la Biélorussie (en 2011), ou encore de la Turquie (en 2016).

 

Aujourd’hui, le changement d’heure n’a plus d’impact sur la consommation d’électricité ? PLUTÔT FAUX

En réalité, le passage à l’heure d’été permet toujours de faire des économies d’éclairage. Mais le rallongement des soirées implique aussi une suractivité des citoyens qui en profitent… en consommant de l’énergie. De l’électricité pour les loisirs, et surtout de l’essence pour se déplacer.

En matière d’éclairage, passer à l’heure d’été permet donc, bel et bien, de faire des économies dans de nombreux pays. 

En 2015 en Espagne, l’Institut pour la diversification des énergies et les économies d’énergie (IDAE) a par exemple calculé que le passage à l’heure d’été permettrait une réduction de 5% de la consommation d’électricité en éclairage, soit l’équivalent de 300 millions d’euros (6 euros d’économie par ménage espagnol, le reste relevant des bâtiments des secteurs tertiaires et de l’industrie).

En France, selon la dernière étude disponible de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), les seules économies d’éclairage liées à l’heure d’été étaient d’environ 440 GWh en 2010, soit l’équivalent de la consommation en éclairage de 800 000 ménages. « Grâce à ces économies sur l’éclairage, 44 000 tonnes de CO2 ont ainsi été évitées« , ajoutait l’Agence en précisant que « l’éclairage fait appel à des moyens de production électrique en partie carbonés.« 

Certes, le potentiel d’économies diminue avec l’apparition de nouvelles technologies plus performantes, comme l’introduction des compteurs intelligents, des dispositifs de programmation de l’éclairage public ou des lampes basse consommation. « Néanmoins, à l’horizon 2030, les économies d’énergie engendrées par le régime d’heure d’été subsisteront. Elles devraient être de 340 GWh en tenant compte de l’augmentation des surfaces des bâtiments« , estimait l’ADEME en 2014, toujours en référence à l’éclairage en France.

Mais ces économies d’éclairage (et indirectement de CO2) semblent aujourd’hui être contrebalancées par une surconsommation d’autres formes d’énergie liées au rallongement des soirées.

En mai 2015, devant les eurodéputés, un responsable du BDEW, l’Association allemande des industries de l’eau et de l’énergie, avait ainsi estimé que les économies d’énergie réalisées en Allemagne, grâce au passage à l’heure d’été, étaient devenues minimes, l’éclairage ne représentant plus que 8% de la consommation d’énergie totale, alors que les loisirs devenaient de plus en plus énergivores.

Dès 2000, lors de l’adoption de la dernière directive règlementant les changements d’heure, des études avaient souligné que les économies d’électricité – « relativement insignifiantes » par rapport à la consommation totale d’énergie d’un pays en une année (près de 0 %) – étaient « fortement contrebalancées par la consommation supplémentaire de carburant induite par l’augmentation du trafic le soir« .

« Même si l’heure d’été n’exerce pas d’incidence directe sur l’environnement, il y a lieu d’observer ses effets indirects. D’une manière générale, l’augmentation de l’activité économique en Europe s’est traduite à la fois par un accroissement simultané de la mobilité et de la pollution. Le problème à cet égard est sans doute celui de la formation de l’ozone« , relevait ainsi l’exécutif européen à l’époque, tout en soulignant qu' »en l’état actuel de la recherche et des connaissances, il semble bien difficile, voire impossible, de tirer des conclusions valables et universelles concernant un impact direct de l’heure d’été sur l’environnement« .

Avec prudence, les institutions européennes indiquent donc aujourd’hui : « Bien que cet aspect ait été l’un des principaux moteurs des dispositions actuelles, des études montrent que l’effet global des économies d’énergie liées à l’heure d’été est marginal« .

Et les autres impacts ?

Sur la santé, des études soulignent les incidences positives que pourrait avoir l’heure d’été, liées à la multiplication des loisirs en plein air. Mais d’autres montrent qu' »au printemps, le temps d’adaptation pour les personnes de certains chronotypes peut aller jusqu’à plusieurs semaines« , relèvent les institutions européennes. In fine, « les éléments de preuve concernant les effets globaux sur la santé (c’est-à-dire la mise en balance des effets négatifs et positifs présumés) ne permettent toujours pas de tirer de conclusions à cet égard« , préviennent-elles.

Les études ne permettraient pas non plus d’établir de lien probant entre le passage à l’heure d’été et les accidents de la route.

Quant à l’impact financier direct de la suppression des changements d’heure : « alors que les coûts générés actuellement par les changements d’heure semestriels disparaîtront, le passage à un nouveau régime horaire sans changement saisonnier engendrerait [lui aussi] des coûts de transition« , précise la Commission européenne. « Il faudrait reprogrammer et reconfigurer les systèmes informatiques. Ce point sera crucial pour les logiciels de planification et de calendrier (systèmes de santé, systèmes de réservation de voyages) […]. Dans le secteur des transports, les horaires devraient être adaptés.« 

L’exécutif européen reconnaît donc que « les éléments de preuve ne sont pas concluants sur la question de savoir si les avantages des dispositions relatives à l’heure d’été l’emportent sur les inconvénients liés aux changements d’heure semestriels« .

Au final, seuls trois éléments sont certains à ce stade. Des Etats membres ne souhaitent plus changer d’heure tous les six mois. Or un régime horaire désordonné pénaliserait le marché unique. Les Vingt-Sept devront donc se mettre d’accord, qu’ils décident ou non de changer le système.

  

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