Entre Chine et États Unis, l’Europe à la recherche de son avenir

Une analyse de Pierre VIMONT publiée par notre partenaire la Fondation Robert Schuman – Question d’Europe n°515 – 13 mai 2019


Il n’y a rien d’original à affirmer, au vu des changements profonds de notre monde, que nous avons changé d’époque. Avec la fin de la guerre froide, un nouveau monde multipolaire plus complexe et plus instable s’est progressivement installé sur la scène internationale. Si l’affrontement avec la Russie n’a pas disparu, comme en témoigne l’actuelle crise ukrainienne, c’est cependant la confrontation entre les États-Unis et la Chine qui devient le point central de tension dans les relations internationales, avec une intensité différente de celle de la guerre froide compte tenu de sa nature à la fois économique et militaire.


Washington n’a jamais vu en Moscou un concurrent économique sérieux ; avec la Chine, la situation est différente car les États-Unis peuvent légitime- ment s’inquiéter de perdre à terme leur avance technologique et économique. Il est clair que ce défi est devenu obsessionnel pour ces deux pays au point de sous-estimer toutes les autres menaces. C’est là, entre Washington et Pékin, que la rivalité entre intérêts économiques, commerciaux, militaires ou encore culturels trouve son expression la plus forte. C’est là où chacun pressent que les nouveaux équilibres géopolitiques du monde se mettent lentement en place.

Face à cette situation, l’Europe paraît ignorée, absente, dépassée. Balançant comme trop souvent entre inaction et discours emphatique, les Européens semblent se résoudre au rôle de spectateurs de leur propre déclin. Faut-il se satisfaire de cet état des choses et renoncer à peser sur les développements en cours ? Il y aurait pourtant une autre manière de faire pour les Européens. Mais il faudrait pour cela que l’Europe manifeste la nécessaire volonté politique pour s’engager dans une démarche qui lui permettrait de mesurer les défis qu’elle doit affronter, définir des priorités réalistes et mobiliser ses atouts, qui sont loin d’être négligeables.

Depuis l’élection de Donald Trump aux États-Unis, les responsables occidentaux se sont installés – les Européens les premiers – dans une forme de confort intellectuel consistant à mettre toutes leurs difficultés actuelles sur le compte d’une administration américaine imprévisible et irrationnelle. La thèse est connue : les dirigeants de Washington auraient inventé un nouveau paradigme diplomatique d’où toute approche multilatérale serait bannie et où un mélange d’unilatéralisme et d’isolationnisme régnerait désormais en maître. Dans la logique de cette dérive, une approche purement transactionnelle mettrait désormais les alliés européens sur le même pied d’égalité que les ennemis traditionnels de l’Amérique et aucun des points forts de la relation transatlantique (OTAN, commerce, démocratie) ne serait épargné. En dépit de dénégations répétées des plus hauts responsables américains, l’affaire serait entendue : le partenariat transatlantique aurait fait son temps et l’Europe serait désormais livrée à elle-même pour assurer son avenir.