Crise migratoire, Brexit, élections… les grands dossiers européens de la rentrée



Actualité


06.09.2018

Justine Daniel

Alors que la crise migratoire fragilise toujours un peu plus le projet européen, l’extrême droite continue de gagner du terrain à chaque scrutin national, et ce à quelques mois des élections européennes. Côté Brexit, l’accord se fait de plus en plus attendre. Tandis que la menace d’une guerre commerciale avec les Etats-Unis demeure. Toute l’Europe vous propose de faire le point sur les grands dossiers qui marqueront l’actualité européenne des prochaines semaines.

Chronologie des événements de la rentrée 2018

Chronologie des événements de la rentrée 2018

Crise migratoire : une solution européenne est-elle possible ?

Dans le cadre de la présidence autrichienne du Conseil (2e semestre 2018), qui a fait de l’immigration sa priorité, une réunion des chefs d’Etat et de gouvernement consacrée à la « lutte contre l’immigration illégale » se tiendra à Salzbourg (Autriche) le 20 septembre, afin d’obtenir une position commune sur l’accueil des migrants. Mais les divergences entre les Etats membres pourraient être difficilement conciliables. Déjà le 30 août, les ministres de la Défense réunis à Vienne n’ont pas réussi à dégager un consensus sur la mission de secours européenne Sophia, en Méditerranée. Celle-ci prévoit que les migrants secourus sont systématiquement débarqués dans un port italien, alors que Rome exige une rotation des ports d’accueil.

Au cours de l’été, le gouvernement italien a maintenu la pression sur ses voisins européens pour répartir la prise en charge des arrivants sur les côtes italiennes, remettant en question les accords de Dublin de 2013, qui prévoient que la demande d’asile des arrivants soit traitée dans le pays d’arrivée. Le vice-président du Conseil italien, Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles), est allé jusqu’à menacer de réduire la contribution italienne au budget européen si son pays n’obtient pas gain de cause.

Depuis 2015, une répartition équitable des réfugiés est envisagée, mais plusieurs pays membres s’opposent à tout système de quotas, à l’instar de la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie. La situation est aujourd’hui d’autant plus bloquée que des Etats comme l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne ont également adopté des positions hostiles à l’immigration. Et que les pays de l’UE dans leur majorité se reprochent mutuellement de manquer de solidarité.

Asile et migrations dans l’Union européenne

Brexit : les négociations pour la sortie du Royaume-Uni entrent dans leur phase finale

Michel Barnier et Dominic Raab, le 19 juillet 2018Michel Barnier et Dominic Raab, le 19 juillet 2018 – Crédits : EC – Service audiovisuel

Au sein du gouvernement et du Parlement britanniques, les tensions entre les « hard Brexiters » et les partisans d’un Brexit « doux » – qui permettrait au Royaume-Uni de conserver un accès au marché européen – n’ont pas manqué de faire à nouveau la Une cet été. Les ministres pro-Brexit Boris Johnson et David Davis ont démissionné en réaction aux propositions de Theresa May, jugée trop peu offensive, sur la future relation entre le Royaume-Uni et l’UE.

Les discussions, qui entrent dans leur phase finale, se tiennent désormais sans interruption. Les négociateurs, Michel Barnier (pour l’UE) et Dominic Raab, le nouveau ministre britannique en charge du Brexit, ont fait part de leur volonté de parvenir rapidement à un accord de sortie car les Parlements britannique et européen ainsi que les Etats membres doivent avoir le temps le ratifier avant la sortie effective du Royaume-Uni, prévue le 30 mars 2019. Un sommet des dirigeants européens censé boucler les négociations est prévu le 18 octobre. Même si Michel Barnier observe qu’elles pourraient se prolonger jusqu’à la mi-novembre alors que certains sujets, notamment celui de la frontière irlandaise, demeurent pour le moment dans l’impasse.

Lors d’une intervention plus récente, Michel Barnier a cependant confirmé qu’un vent de bonne volonté soufflait sur les discussions : 85% du travail aurait déjà été effectué avec les Britanniques. Une perspective rassurante alors que la possibilité d’une absence d’accord (« no deal« ) est allée croissante tout au long de l’été. Elle n’est pour autant pas exclue par le gouvernement britannique qui a publié une série de fiches expliquant les enjeux d’un no deal selon les secteurs économiques.

Brexit : tous les événements depuis le référendum

Début de campagne à l’approche pour les élections européennes

Viktor Orban (à gauche) et Emmanuel Macron (à droite)Viktor Orban (à gauche) et Emmanuel Macron (à droite) – Crédits : EC – Service audiovisuel

En vue des élections européennes qui se tiendront entre le 23 et le 26 mai 2019 dans les 27 Etats membres, les partis politiques préparent leur campagne. Alors que l’extrême droite et la droite radicale gagnent du terrain à chaque nouveau scrutin national, le Premier ministre ultra-conservateur hongrois Viktor Orban et le ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini se sont récemment rencontrés pour afficher leurs positions convergentes sur la politique migratoire. De son côté, le président français Emmanuel Macron cherche à rassembler autour de lui une alliance qu’il qualifie de « progressiste » et rassemblant les pro-Européens sur sa ligne. C’est dans cette perspective qu’il a rencontré fin août ses homologues danois et finlandais. Il rencontrera ensuite Xavier Bettel, le Premier ministre luxembourgeois le 6 septembre.

En France, les autres partis s’organisent également afin de proposer une liste de 79 candidats – un chiffre égal au nombre de députés français qui seront présents au Parlement européen à partir de l’an prochain. La plupart des formations en sont toutefois encore souvent à chercher leur tête de liste. Certains ont déjà trouvé : La France insoumise (Charlotte Girard et Manuel Bompard), Europe Ecologie-Les Verts (Yannick Jadot), le Parti communiste (Ian Brossat) et plus récemment, le Rassemblement national (Hervé Juvin). Cette décision s’avère toutefois complexe pour les partis qui souhaitent mettre en avant une personnalité connue à l’échelle nationale, mais qui n’exerce pas déjà des fonctions exécutives, incompatibles avec un mandat au Parlement européen.

Elections européennes : les spécificités d’un scrutin pas comme les autres

Elections dans les Etats membres : la crainte de l’extrême droite

e Maximilianeum (façade ouest) est le siège du Landtag de Bavière, à MunichLe Maximilianeum (façade ouest) est le siège du Landtag de Bavière, à Munich – Crédits : Wikipédia (High Constrast)

Des élections sont attendues d’ici la fin de l’année dans plusieurs Etats européens, avec chaque fois le risque d’une montée de l’extrême droite.

En Allemagne, les Bavarois voteront le 14 octobre pour renouveler leur Parlement régional. Ce scrutin devrait être particulièrement surveillé, car ses enjeux dépassent la dimension régionale. D’un côté, le score de la CSU, parti-frère de la CDU d’Angela Merkel et membre de la coalition gouvernementale, pourrait conditionner la capacité d’influence du parti à Berlin alors que le ministre de l’Intérieur Hans Seehofer (CSU) fustige la politique migratoire d’Angela Merkel. Le parti est pour l’instant crédité de « seulement » 38% des intentions de vote, alors que ses résultats sont souvent proches des 50%. De l’autre côté, le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), déjà crédité de 13 à 14% des intentions de vote, espère obtenir un résultat historique. D’autant plus que la campagne se déroule sur fond de manifestations xénophobes et anti-immigration, qui se sont récemment tenues dans la région voisine de Saxe. Et après la Bavière, un autre scrutin régional aura lieu en Hesse le 28 octobre.

Allemagne : données, histoire et système politique

A l’instar de ses voisins européens, la Suède pourrait voir son paysage politique profondément bouleversé par l’extrême droite lors des élections législatives qui se tiendront le 9 septembre. Le parti eurosceptique et anti-immigration les Démocrates de Suède (SD – Sverigedemokraterna) recueillerait en effet 20% des intentions de vote d’après les sondages. Alors que la plupart des indicateurs économiques sont au vert, le discours sur la préservation de l’identité suédoise qu’il défend trouve un écho de plus en plus important au sein d’un pays qui a accueilli 350 000 migrants depuis 2014, et ce malgré le durcissement de la politique migratoire de l’actuel gouvernement social-démocrate. Le SAP (Parti social-démocrate) demeure en tête des sondages (24,2%), mais a perdu un quart de ses sympathisants depuis 2014, selon une analyse de la Fondation Robert Schuman.

Les Lettons voteront également le 6 octobre pour le renouvellement des 100 sièges qui composent la Saeima, le Parlement du pays.

Enfin, le 14 octobre auront lieu les élections locales belges ainsi que les élections législatives luxembourgeoises.

Guerre commerciale et accord sur le nucléaire iranien : les tensions persistent entre l’UE et les Etats-Unis

Jean-Claude Juncker et Donald Trump à l'occasion de leur rencontre à Washington, le 25 juillet 2018Jean-Claude Juncker et Donald Trump à l’occasion de leur rencontre à Washington, le 25 juillet 2018 – Crédits : EC – Service audiovisuel

Après un mois de trêve, le président américain Donald Trump a de nouveau brandi la menace d’une guerre commerciale avec l’Union européenne, le 30 août. La proposition européenne d’abandonner les tarifs douaniers sur tous les produits industriels ainsi que les voitures a en effet été jugée insuffisante par le président américain, qui a menacé de quitter l’OMC.

Le 1er juin, l’augmentation des taxes américaines sur les importations d’acier (25%) et d’aluminium (10%) en provenance de l’Union européenne est entrée en vigueur. En représailles, les Européens ont appliqué, dès le 22 juin, des surtaxes sur 3,2 milliards d’euros de marchandises en provenance des Etats-Unis. Fin juillet, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait cependant obtenu de Donald Trump qu’aucun tarif douanier supplémentaire ne puisse être décidé. Une concession qui pourrait donc être de courte durée.

Donald Trump brandit à nouveau la menace d’une guerre commerciale avec l’UE 

Autre sujet de discorde entre Européens et Américains : la sortie des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien. Le 6 août, certaines sanctions américaines à l’encontre de l’Iran ont été effectivement rétablies : elles comprennent le blocage des transactions financières et des importations de matières premières. D’autres mesures entreront en vigueur le 5 novembre.

Le rétablissement des sanctions américaines pénalise cependant les entreprises européennes qui commercent avec l’Iran en dollars. Alors que Peugeot a déjà annoncé son départ du pays et qu’une commande d’une centaine d’avions Airbus a été suspendue, l’UE a activé le 7 août le statut « de blocage ». Cette loi prévoit des sanctions à l’encontre des entreprises européennes qui se conformeraient aux effets extraterritoriaux des sanctions américaines.

Enfin, outre les considérations commerciales, les Européens craignent également que le retour des sanctions américaines contre l’Iran ne porte atteinte aux efforts internationaux en matière de non-prolifération des armes nucléaires, objet principal de l’accord trouvé avec Téhéran en 2015.

Accord nucléaire iranien : qu’est-ce que l’extraterritorialité des lois américaines ?

Et aussi :

Référendum en Macédoine sur le nom du pays : vers la fin d’un conflit vieux de 25 ans avec la Grèce ?

Aléxis Tsípras et Zoran Zaev en janvier 2018 à l'occasion du World Economic Forum Aléxis Tsípras et Zoran Zaev en janvier 2018 à l’occasion du World Economic Forum – Crédits : Gouvernement de la République de Macédoine / Flickr

Le 30 septembre, les citoyens de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) sont invités à se prononcer sur l’accord conclu entre le Premier ministre, Zoran Zaev, et son homologue grec Aléxis Tsípras le 17 juin dernier. Les deux hommes se sont en effet mis d’accord sur le nom à donner au pays : République de Macédoine du Nord. L’appellation « Macédoine » était contestée par Athènes, car il s’agit du nom d’une région grecque. En trouvant une issue à un conflit vieux de 25 ans, la porte s’ouvre désormais pour une entrée de la Macédoine du Nord au sein de l’UE et de l’OTAN.

L’accord négocié par M. Tsipras fait toutefois l’objet de nombreuses critiques en Grèce, notamment à droite. Le Parlement de l’ARYM pourrait également ne pas valider ce changement de nom, même si les citoyens macédoniens venaient à l’accepter dans les urnes. Ce conflit diplomatique empoisonne les relations entre les deux pays depuis la dislocation de la Yougoslavie en 1991.

Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) : données, histoire et système politique

Corruption en Roumanie : la mobilisation citoyenne se maintient

Plusieurs manifestations se sont tenues durant l’été en Roumanie, alors que le gouvernement est accusé de chercher à contrôler le pouvoir judiciaire et de saper la lutte contre la corruption, notamment par le biais une réforme de la justice initiée en 2016 et dénoncée par Bruxelles. Durant plusieurs jours, des dizaines de milliers de Roumains ont défilé dans les rues, réclamant la démission de l’exécutif. Le 10 août, la manifestation a dégénéré et une intervention violente des forces de l’ordre a fait 450 blessés. Depuis, une pétition réclamant la démission de politiciens condamnés pour des faits de corruption a recueilli plus d’un million de signatures. Elle permet aux citoyens de demander au Parlement de voter pour ou contre la tenue d’un referendum modifiant la Constitution.

Examen annuel des budgets nationaux par la Commission européenne

Dans le cadre des procédures de coordination des politiques économiques (Semestre européen), la Commission européenne examine à l’automne les projets de budget des Etats membres de la zone euro pour l’année suivante. Objectif : vérifier que ceux-ci soient conformes aux règles européennes.

S’agissant de la France, l’Insee estime que la croissance devrait s’élever à 1,7% du PIB en 2018. Un résultat moins important que prévu, même si le déficit public du pays devrait demeurer en deçà du seuil des 3% prévu par le Pacte budgétaire européen. Pour l’année 2019, le déficit français pourrait atteindre 2,6% du PIB, contre 2,3% initialement.

Le budget italien inquiète par ailleurs les investisseurs et la Commission européenne. Les promesses de campagne des partis membres de la coalition gouvernementale (diminution de l’âge de la retraite, augmentation des aides familiales, réforme du marché du travail, etc.) devraient nécessiter une forte mobilisation de fonds publics, alors que la dette publique du pays atteint déjà 132% du PIB. L’effondrement du viaduc autoroutier de Gênes a cependant mis en évidence le mauvais état des infrastructures italiennes et le nécessaire investissement de l’Etat dans ce domaine.

La coordination économique des Etats européens

Rentrée des institutions

Hémicycle du Parlement européen de BruxellesHémicycle du Parlement européen de Bruxelles – Crédits : European Union 2017, EP

La Commission Juncker entame sa dernière rentrée et souhaite limiter les nouvelles propositions législatives pour se concentrer sur la clôture des discussions actuellement déjà engagées. Quelques propositions seront tout de même présentées dans les prochaines semaines : l’une concerne la lutte contre les contenus terroristes en ligne et une seconde s’attaquera à la suppression du changement d’heure.

Au sein du Parlement, les eurodéputés voteront le 12 septembre lors de la prochaine session plénière sur la mise à jour de la directive sur les droits d’auteur.

Droit d’auteur : guerre de lobbies à Bruxelles une semaine avant un vote décisif

Les négociations autour du prochain cadre financier pluriannuel devraient également se poursuivre au sein du Conseil et de la commission Budget du Parlement européen qui prépare un rapport pour la session plénière de novembre. La Commission souhaite faire adopter le budget pour la période 2021-2027 avant la tenue des élections européennes, ce dont doutent de nombreux observateurs.

Le discours sur l’état de l’Union, prononcé à chaque rentrée par le président de la Commission européenne, permettra d’obtenir plus d’informations quant aux ambitions de Bruxelles d’ici aux élections de mai. Il aura lieu le mercredi 12 septembre, au Parlement européen.

Le processus de décision de l’Union européenne

Les Consultations citoyennes sur l’Europe lancées en avril 2018 s’achèveront à la fin du mois d’octobre. A ce stade, plus de 300 événements ont déjà été organisés et 20 000 personnes ont été invitées à débattre sur l’Europe et partager leur vision. D’ici octobre, près de 250 autres événements se tiendront à travers la France. A l’issue de cette période de consultation, le gouvernement devrait s’emparer des discussions rapportées par écrit par les initiateurs de chaque événement, issus de la société civile, afin d’en proposer une restitution nationale. En attendant celles de nos voisins européens pour permettre une restitution européenne présentée lors du Conseil européen de décembre 2018.

L’agenda des événements des prochains mois



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