Consultations citoyennes sur l’Europe : le comité d’experts tire un premier bilan des propositions



Actualité


31.10.2018

Vincent Lequeux

Lancées en avril dans 27 pays, les Consultations citoyennes sur l’Europe prennent fin le 31 octobre en France. C’est désormais à la Commission nationale du débat public d’analyser les quelque 1 100 débats et autres exercices de démocratie participative qui ont eu lieu dans tout le pays, et d’en transmettre les conclusions au gouvernement. Une mission délicate, dont les premiers résultats ont été dévoilés le 30 octobre au Conseil économique, social et environnemental.

Nathalie Loiseau, ministre des Affaires européennes, lors de la journée de clôture des Consultations citoyennes sur l'Europe le 30 octobre au CESE

Nathalie Loiseau, ministre des Affaires européennes, lors de la journée de clôture des Consultations citoyennes sur l’Europe le 30 octobre au CESE.

1 076 consultations examinées

Associations, collectivités locales, autorités de l’Etat ou simples citoyens… les porteurs de projets à l’initiative de consultations citoyennes sur l’Europe se sont réunis mardi 30 octobre, pour une journée de clôture au Palais d’Iéna, à Paris. Dans l’hémicycle habituellement réservé aux membres du Conseil économique, social et environnemental, ils ont pu entendre les remerciements de la ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau, échanger sur leurs expériences et participer à un ultime débat participatif, avant que ne s’achèvent officiellement les Consultations citoyennes le lendemain.

Inaugurées en avril dans 27 Etats de l’Union européenne, ces consultations souhaitées par Emmanuel Macron ont, rappelle Nathalie Loiseau, permis à 70 000 Français de débattre, de donner leur avis et d’avancer leurs propositions sur l’Europe. Elles vont désormais faire l’objet de synthèses nationales, qui seront transmises aux chefs d’Etat et de gouvernement en vue du sommet européen des 13 et 14 décembre. Une réunion à laquelle le président français souhaite que l’on donne « un peu plus d’écho que ce que l’on peut voir traditionnellement dans un Conseil européen« , prévient à son tour le conseiller Europe du président, Clément Beaune.

Entretemps, ce sont 1 076 consultations qui, rien qu’en France, doivent être scrutées à la loupe pour en faire éclore des éléments exploitables par les dirigeants. Une tâche confiée à la Commission nationale du débat public (CNDP) qui, depuis plus de vingt ans, s’assure en outre de la participation et de l’information du public en amont de projets d’aménagement potentiellement nuisibles à l’environnement. « Une mission particulièrement ambitieuse« , estime sa présidente Chantal Jouanno au vu du temps imparti : le rapport doit en effet être rendu public le 19 novembre.

Communication, identité, institutions et environnement

C’est pourquoi l’autorité administrative indépendante a débuté ses travaux sans attendre la fin des consultations. Un comité d’experts composé de spécialistes du langage et des sciences politiques a ainsi déjà analysé les 400 restitutions qui lui ont été transmises. A l’aide d’un logiciel dédié, celui-ci a construit des « arbres argumentatifs » pour faire ressortir un par un les arguments soulevés sur chacune des thématiques abordées pendant les débats de ces six derniers mois. Un outil « qui n’a pas vocation à cartographier le sentiment des Français« , insistent les experts, mais à faciliter la prise de décision des responsables politiques.

Le 30 octobre, les premiers résultats de ces travaux ont ainsi été présentés aux porteurs de projets. Sur quatorze thématiques identifiées par le comité, quatre dominent le tableau. La communication sur l’Europe tout d’abord : beaucoup des participants aux consultations ont en effet déploré le manque de visibilité et de lisibilité des actions européennes. Un constat également vérifiable sur le terrain, puisqu’un nombre non négligeable des propositions formulées lors des Consultations citoyennes sont de fait déjà mises en œuvre par l’Union européenne.

Les questions de citoyenneté, d’appartenance et d’identité européenne viennent ensuite, et notamment le rôle de la jeunesse dans le renforcement de cette identité. Les thèmes institutionnels ont également suscité de nombreuses questions et propositions, avec une volonté d’améliorer la gouvernance et la démocratie européennes. Enfin, l’environnement est le sujet qui a suscité le plus de propositions précises.

A ces quatre principaux sujets de discussion se sont ajoutés ceux liés aux migrations, à la santé (principalement vue sous l’angle de l’alimentation), à l’économie et à l’emploi, aux questions sociales et sociétales, au numérique et à ses actualités liées aux GAFA ou aux infox, à l’avenir de l’UE, à l’Europe dans le monde (diplomatie, défense et sécurité), ou encore à l’éducation, à la culture et à la recherche. En revanche, certains domaines comme la justice ont été visiblement absents des restitutions.

Consultations citoyennes : après la journée de clôture, le débat continue

Une Europe idéale

Tout en reconnaissant le succès de ces consultations, la CNDP a souhaité apporter quelques clarifications sur ces résultats intermédiaires. Premier constat : les compte-rendus de ces consultations ont été rédigés par les organisateurs de chaque consultation selon un format prédéfini. D’où « un petit effet d’entonnoir« , note Chantal Jouanno, dont l’autorité est plus coutumière d’enregistrements ou de verbatim. Sans en être nécessairement conscients, les rédacteurs ont donc nécessairement mis « leur empreinte » dans la formulation des avis et des propositions qui ressortent sur le papier, confirme Ilaria Casillo, présidente du comité d’experts et vice-présidente de la CNDP. Un « petit biais » que la commission a pris en compte, en s’interrogeant également sur les non-dits de ces restitutions.

Autre observation constatée par l’autorité : le public eurosceptique semble s’être peu déplacé. Les propositions laissent en effet paraître « peu de contre-argumentations ou d’objections« , note Floran Augagneur, vice-président de la CNDP. Elles représentent donc, pour l’essentiel, l’opinion d’une population « pro-européenne », à l’exemple de celles qui portent sur l’agriculture. « On voit que les personnes qui se sont exprimées ne sont pas forcément des agriculteurs« , note Isabelle Jarry, membre de la CNDP. Leurs propositions « font ressortir une sorte d’Europe agricole idéale« , plus portée sur les questions environnementales et de santé que de production et d’emploi, et unanimement favorable à une augmentation du budget de la PAC.

« Il s’agit d’une démarche de démocratie participative, pas d’une enquête sur ce que pensent les Français de l’Europe« , tempère toutefois Ilaria Casillo, qui note que les eurosceptiques ont leur part de responsabilité en ayant « fait l’acte de ne pas venir » à ces consultations. Par ailleurs, cela n’empêchera pas « d’en tirer des informations, des arguments et des propositions intéressantes« , ajoute Floran Augagneur, « si l’on explicite les choses de manière transparente« . Ce qui compte n’est donc pas le caractère représentatif des propositions citoyennes, mais leur force de persuasion. Enfin, il faut, selon Chantal Jouanno, que les décideurs « disent ce qu’ils ont retenu ou pas de cette parole citoyenne. Il est parfaitement légitime qu’ils ne retiennent que certaines idées, mais il est important qu’ils disent pourquoi« . Une exigence qui ne demande qu’à être confirmée lors du sommet européen de décembre, six mois avant les prochaines élections.



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