Comment l’Autorité de la concurrence étend son champ d’action

Un article publié par Les Échos.


D’année en année, l’Autorité de la concurrence, qui a présenté ce mardi son bilan d’activité, ancre un peu plus son action dans le tissu économique français. En 2019, elle a rendu 320 décisions et avis. Elle a aussi acquis de nouveaux pouvoirs qui lui permettent de faire des enquêtes plus poussées.


Isabelle de Silva, la présidente de l’Autorité de la concurrence, n’a pas à rougir de son bilan après trois années passées à la tête de l’institution qui avait été façonnée par son prédécesseur, Bruno Lasserre. Concernant l’exercice écoulé, l’Autorité peut se targuer d’avoir une activité soutenue puisque 235 décisions de contrôle des concentrations ont été rendues, soit le même niveau que  l’an passé .

Ce volume important ne veut pas dire pour autant que l’Autorité soit un facteur bloquant pour les regroupements d’entreprises, comme on a pu le reprocher récemment à la Commission européenne dans le cadre du rapprochement avorté entre Alstom et Siemens. « L’Autorité n’a jamais refusé une opération de concentration en France », rappelle Isabelle de Silva. Elle assortit en revanche souvent ses autorisations d’injonctions (vendre une partie des actifs pour éviter une situation monopolistique par exemple). « Certaines entreprises peuvent aussi abandonner leur projet de rapprochement si elles sentent que les chances d’autorisation sont ténues. Certaines ne veulent pas prendre le risque d’un refus », explique Isabelle de Silva.

Nouveaux pouvoirs d’enquête

En 2018, 26 décisions de pratiques anticoncurrentielles ont aussi été rendues pour un montant de 237,5 millions d’euros de sanctions. On n’atteint pas les records de certaines années, notamment 2014 et 2015 avec respectivement 1 milliard et 1,3 milliard d’euros réclamés aux entreprises coupables.

Mais cette partie de l’activité de l’Autorité promet de prendre de l’ampleur dans les prochaines années, notamment avec les nouveaux pouvoirs qu’elle a acquis pour mieux détecter ces pratiques. L’Autorité peut par exemple répondre à des commissions rogatoires du juge d’instruction depuis la loi Hamon de 2014. En clair, le juge d’instruction délègue aux agents de l’Autorité ses pouvoirs d’enquête. En 2018, l’Autorité a répondu à deux commissions rogatoires, deux autres en 2019. Elle a aussi la possibilité depuis cette année de saisir  les « fadettes » des dirigeants d’entreprise et de leurs conseils dans le cadre de ses enquêtes.

Signalement en ligne

Pour étendre le champ de son action, l’Autorité a aussi prévu de lancer une plate-forme de signalement en ligne et propose de pouvoir indemniser les lanceurs d’alerte dans le cas où l’entreprise est effectivement condamnée. Ce genre d’indemnisation existe déjà au Royaume-Uni ou encore en Corée du Sud et a permis de détecter de nombreux cartels. La dénonciation est souvent le moyen le plus efficace de démanteler des ententes. Comme cela semble être le cas dans l’affaire du cartel des compotes sur lequel se penche l’Autorité de la concurrence depuis 2015 et qui connaît un nouveau rebondissement ces jours-ci puisque les entreprises ciblées seront reçues mercredi au siège de l’Autorité, comme l’a révélé le journal « Le Monde ».

L’Autorité met aussi l’accent sur deux procédures de règlements des litiges qui se développent de plus en plus. La première est la procédure de clémence, qui permet aux entreprises qui viennent d’elles-mêmes dénoncer leur propre pratique anticoncurrentielle de bénéficier d’une sanction très allégée. Six demandes de clémences ont été adressées à l’Autorité en 2018. La seconde est la transaction, où les entreprises épinglées par l’Autorité reconnaissent les faits, ce qui facilite la procédure et allège aussi leur sanction. Depuis 2015, 12 décisions ont été rendues avec transaction, pour un montant de 670 millions d’euros.


Crédits photo : Eric Piermont / AFP