Au sommet européen, l’accord climat fait l’effet d’un pétard mouillé – EURACTIV.fr


La République tchèque, l’Estonie, la Hongrie et la Pologne ont refusé l’objectif de neutralité carbone pour 2050, malgré les efforts de dernière minute de Paris et Berlin pour les convaincre de s’engager sur cette date spécifique.

Les dirigeants des 28 États membres ne sont pas parvenus à trouver un accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière significative d’ici à 2050, bloqués notamment par l’Estonie et trois pays du groupe de Visegrad, opposés à l’inclusion d’une date explicite.

La prochaine rencontre pour remettre l’accord sur la table sera en octobre, lors d’un sommet à la fin du mois qui sera le dernier de Jean-Claude Juncker en tant que président de la Commission. Un sommet qui sera néanmoins dominé par le Brexit puisque le Royaume-Uni est censé quitter l’Union européenne à minuit le 31 octobre.

Une version finale des conclusions du jeudi 20 juin indique que l’UE « garantira une transition vers une Union neutre en carbone conformément à l’accord de Paris », mais ne mentionne plus la date de 2050 qui apparaissait dans la dernière version des conclusions.

L’UE se rendra ainsi au sommet de l’ONU en septembre, ainsi qu’au G20 la semaine prochaine sans date butoir pour leurs objectifs climatiques, même si les conclusions de ce sommet précisent dans les notes de bas de page que tous les États membres sauf quatre pays acceptent l’objectif. « Pour une large majorité d’États membres, la neutralité climatique doit être atteinte d’ici à 2050 », peut-on lire.

Les conclusions de ce premier jour de sommet indiquent par ailleurs que le Conseil tentera de conclure les négociations d’ici à la fin de l’année et qu’un accord final sera scellé « début 2020 ». La Commission européenne et les délégués nationaux sont encouragés à examiner de plus près l’impact financier de la stratégie.

L’eurodéputé écologiste Ska Keller a déclaré que le résultat du sommet était une honte et regrette que « protéger les intérêts des entreprises et le pouvoir semblent encore être la priorité ». Le groupe de protection de l’environnement WWF Europe a déclaré que « l’accord de Paris a été tourné en dérision. »

Pourquoi cet échec ?

Des détails sur les aspects financier et sociétal du verdissement de l’économie ont été inclus dans les dernières versions des conclusions pour dissiper les inquiétudes des pays comme la République tchèque et la Pologne, deux pays fortement dépendants des combustibles fossiles. Une tentative vaine…

Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki a déclaré aux journalistes qu’il ne pouvait pas soutenir l’inclusion de l’année 2050 en l’absence d’une analyse approfondie des coûts. Il est désormais temps, estime-t-il, de travailler à un compromis.

Selon une source diplomatique, la chancelière allemande Angela Merkel se serait finalement laissée convaincre par la réflexion du groupe de Visegrad, après avoir défendu la date butoir de 2050 durant presque toutes les discussions à huis clos.

Certains l’accusent toutefois de « faire de beau discours » en dehors de la salle de réunion mais de ne pas prendre d’engagements réels lorsque cela importe vraiment.

Le Premier ministre tchèque, Andrej Babis, actuellement enlisé dans une affaire de détournement de fonds européens, a indiqué que l’UE ne devait pas s’adonner à des changements aussi radicaux quand des pays comme la Chine n’ont aucune intention de l’imiter.

Selon d’autres diplomates, la France aurait aussi « trop insisté » au gout des pays de Visegrad, ce qui n’a pas été d’une grande aide.

Une source a confirmé que trois des pays de Visegrad étaient les « meneurs » et que l’Estonie les a rejoints lorsqu’elle a compris qu’ils seraient suffisamment nombreux.

Les chances de finaliser la stratégie lors de ce sommet ont toujours été minces. Seuls huit pays soutenaient l’idée lors de la dernière rencontre en mars. Mais au fil de temps, les espoirs grandissaient et le Conseil avait de plus en plus de chances de graver la date de 2050 dans le marbre.

L’engagement de la Hongrie en faveur d’une Europe neutre en carbone cette semaine allait aussi dans le bon sens. Pour un haut responsable du Conseil, s’engager envers la neutralité carbone ou climat d’ici à 2050 en principes n’est cependant pas la même chose que s’engager à signer une stratégie. « Le temps nous était compté et nous en avons peut-être demandé trop. »

Prochaines étapes

Le report à la fin de l’année, voire début 2020, signifie que les discussions finales sur un accord coïncideront avec les négociations sur le budget à long terme de l’UE.

Mais l’issue des discussions sur le Cadre financier pluriannuel (CFP) sera cruciale pour celle de la stratégie l’impact économique climat, puisque les pays comme la Pologne cherchent des assurances économiques.

Parmi les propositions sur la table se trouve celle de réserver un quart du budget climat de 1 000 milliards d’euros pour le développement de technologie propre et la création d’un fonds dédié à l’aide aux pays d’Europe centrale et de l’Est.

Des sources proches du président du Conseil, Donald Tusk, affirment qu’il n’est pas mécontent du résultat car il préfèrerait qu’un accord sur le climat soit trouvé sous la supervision de son successeur. Le Polonais cherche en effet à revenir dans la politique nationale et un accord lui serait néfaste étant donné le caractère sensible de la politique climatique en Pologne.

« Nos gouvernements avaient l’occasion de prendre le taureau par les cornes […] et ils l’ont gâchée », regrette Greenpeace UE, qui appelle, aux côtés du Réseau action climat Europe, les dirigeants européens à organiser un sommet d’urgence avant le sommet de l’ONU en septembre.

 



https://www.euractiv.fr/section/climat/news/eu-climate-deal-falls-at-summit-four-countries-wield-the-axe/