Accord IDE entre UE et Chine – Qu’en penser ?

L’Union européenne (UE) vient de valider avec la Chine un Accord Global d’Investissements (AGI) qui ambitionne de « rééquilibrer » sa relation avec cette puissance (les négociations ont débuté en 2013). Mais à la lecture, cet accord semble engager l’UE davantage que la Chine.

La Commission européenne a publié les annexes le 12 mars 2021. Le Parlement européen doit s’exprimer sur cet accord qui divise les partis: les détracteurs estiment qu’il ne répond pas aux préoccupations relatives aux valeurs de l’UE. L’Accord donne à la Chine l’espoir d’améliorer son positionnement dans le rapport commercial entre l’UE et les USA donc est censé compter pour elle, mais la Chine a accumulé un retard dans la mise en œuvre de ses engagements commerciaux depuis son accession à l’OMC.

Nota : le texte n’est pas une version finale et l’Accord devra être ratifié par le Parlement européen et peut être même les Parlements nationaux (avec un risque avéré risque de blocages cf. CETA). Au-delà quelque soit le processus adopté un tel accord dépasse la dimension commerciale et sera prétexte à débat sur la relation UE-Chine – Une signature prévue pendant la présidence française de l’UE, premier semestre 2022 (année d’élections présidentielles en France).

L’Objectif :

  1. Sécuriser les entreprises européennes sur le marché chinois. En pratique, il s’agit de mettre fin aux restrictions limitant le nombre d’entreprises susceptibles d’opérer dans un secteur, aux plafonds de participation de capital étranger, à l’obligation de constituer des co-entreprises avec une société chinoise, aux transferts forcés de technologie ou encore l’obligation de réaliser un certain pourcentage de R&D
  2. promouvoir des règles du jeu équitables et une plus grande transparence de la règlementation des subventions et des licences.
  3. engager la Chine à adhérer aux conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) et mettre fin au travail forcé.
  4. engager la Chine à signer la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris.

Mais la Chine a obtenu que ces dispositions ne soient soumises qu’à un processus de consultation en cas de désaccord. Il faudra donc utiliser des dispositifs de droit autonome comme : le « devoir de diligence » en préparation à échelle de l’UE et le « régime mondial de sanctions de l’UE en matière de droits de l’homme » , par exemple. L’Accord prévoit un processus de règlement des différends équivalent à ceux intégrés dans les ALE modernes.

Par ailleurs, suite aux inquiétudes concernant l’acquisition d’entreprises européennes « stratégiques », l’UE qui a désormais compétence en matière d’IDE a adopté le Règlement (UE) 2019/452 dit de filtrage des investissements directs étrangers en 2020. Il renforce la coopération entre États membres et Commission européenne : les États membres notifient à la Commission les cas soumis à leurs procédures nationales de contrôle des investissements. On peut s’attendre à une montée en puissance du nouvel instrument européen.

Enfin, contre les subventions étrangères, les entreprises européennes peuvent utiliser les instruments de défense commerciale: (anti-dumping et anti-subventions). Mais il y un trou dans la réglementation concernant les entreprises présentes sur le marché européen subventionnées par l’État chinois qui procèdent à des acquisitions ou/et participent à des marchés publics. Et la Commissaire Vestager vise une proposition de règlement

Deux points d’attention parmi d’autres:

  1. Travail forcé : L’Union européenne devrait conditionner la conclusion des accords commerciaux au respect des conventions internationales relatives aux droits humains et des travailleurs et imposer le devoir de vigilance sur les chaînes de production (voir les discussions européennes sur le devoir de diligence inspiré du droit français)
  2. Médias: le ‘traitement national’ est accordé aux investisseurs chinois qui souhaitent racheter des services de presse ou des agences de presse mais la réciproque n’est pas prévue – 11 Etats ( Bulgarie, République tchèque, Chypre, Estonie, Hongrie, Lituanie, Malte, Roumanie, Pologne, Slovénie Slovaquie) se sont réservés le droit de traiter différemment les investisseurs chinois

La Chine tiendra-t-elle ses engagements ? Les entreprises joueront elles le jeu ?