Accord a minima pour un budget de la zone euro

Jules Lastennet

Elément central du programme d’Emmanuel Macron pour l’Europe, un budget de la zone euro devrait bien voir le jour. Un accord politique a en effet été trouvé, vendredi 14 décembre, par les 19 pays partageant la monnaie unique. De haute lutte, le président français, soutenu par l’Allemagne et la Commission européenne, a donc convaincu ses partenaires. Mais contrairement à ce qu’il souhaitait, cette capacité budgétaire nouvelle n’aura pas de fonction de stabilisation de l’économie en cas de nouvelle crise.

La création d’un budget dédié à la zone euro a été évoquée par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017. Puis le président français en a fait un élément central de son programme européen, lors de son discours de la Sorbonne de septembre 2017. Avant de parvenir à convaincre l’Allemagne du bien-fondé du projet à l’occasion du sommet de Meseberg de juin 2018.

Le sommet de la zone euro du 14 décembre 2018 constitue donc une nouvelle étape décisive vers la concrétisation de cette innovation importante. Les dix-neuf dirigeants des pays partageant la monnaie unique ont trouvé un accord politique et donné mandat à leurs ministres des Finances pour définir, dans le cadre de l’Eurogroupe, un « instrument budgétaire » consacré à la zone euro au cours des prochains mois.

Négociation difficile

Dire que M. Macron aura eu des difficultés à arrimer l’ensemble de la zone euro à son projet relève de la litote. D’importantes concessions par rapport à l’idée initiale auront été nécessaires pour obtenir l’accord du 14 décembre. Pour mémoire, le chef de l’Etat envisageait une capacité budgétaire de plusieurs points de PIB, la création d’un parlement et d’un poste de ministre des Finances de la zone euro, ou encore l’octroi d’une fonction de stabilisation économique en cas de crise. Ces points ne sont plus au programme.

Le budget de la zone euro devrait en effet être inclus dans le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. Ce dernier s’élève à environ 1% du PIB des Etats membres et ce montant ne devrait pas augmenter démesurément pour la période à venir (2021-2027). Dans ce contexte, la somme du nouveau budget de la zone euro ne devrait être « que » de 20 ou 30 milliards d’euros sur 7 ans.

Quant aux objectifs poursuivis avec cette nouvelle capacité budgétaire, les membres de la zone euro se sont entendus sur le renforcement de la compétitivité et l’amélioration de la convergence. Comme l’a expliqué l’Elysée, il s’agirait principalement de financer des projets d’investissement et des réformes structurelles nationales.

Ligue hanséatique

Ainsi la fonction de stabilisation économique n’a pas été retenue. Elle était défendue par la France et la Commission européenne, tandis que l’Allemagne avait déjà réduit sa portée en juin. Plutôt que de financer directement des voisins en difficulté, Angela Merkel avait néanmoins accepté « une véritable fonction de stabilisation macroéconomique, sans transferts« . Olaf Scholz, ministre allemand des Finances, souhaitait alors créer par ce biais une assurance-chômage commune. Mais c’était sans compter sur la fin de non-recevoir formulée par plusieurs pays du nord de l’Europe, emmenés par les Pays-Bas ou encore le Danemark.

Ces pays font partie de la Nouvelle ligue hanséatique, un groupe informel récent à l’influence croissante dont l’Autriche est également proche et qui, avec le départ du Royaume-Uni de l’UE et l’affaiblissement politique d’Angela Merkel, se fait l’avocat de l’orthodoxie budgétaire en Europe. Plus prosaïquement, ils refusent en bloc toute perspective de redistribution automatique au sein de la zone euro, craignant que leurs économies vertueuses aient à financer les largesses de certains pays du sud du continent.

« Je ne suis pas partisan d’un budget de la zone euro« , déclarait encore Sebastian Kurz, chancelier autrichien, quelques heures avant le sommet. « Il y a déjà des règles en place, il y a déjà un budget de l’Union européenne. Un budget additionnel de la zone euro n’est pas nécessaire, car cela serait très coûteux pour les citoyens européens« . Cette ligne dure n’a finalement pas prévalu, mais elle a donc fortement contribué à tempérer les propositions initiales.

« Conseil des résultats »

Face aux journalistes à l’issue du sommet, Emmanuel Macron a toutefois insisté sur les avancées réalisées ces derniers mois sur un sujet qui semblait n’enthousiasmer personne d’autre. « Il y a un an, beaucoup considéraient que [réaliser un budget de la zone euro] était impossible« , a ainsi fait valoir le chef de l’Etat. « Nous avons travaillé, d’abord en franco-allemand, puis nous avons convaincu nos partenaires les plus réticents« . Pour M. Macron, cette réunion du 14 décembre doit par conséquent être considérée comme un « Conseil des résultats« .

« Il y a un an, nous avions promis de franchir des pas concrets pour le renforcement de l’Union économique et monétaire. Les dirigeants ont tenu cette promesse« , a par ailleurs déclaré Donald Tusk, président du Conseil européen lors de la conférence de presse de clôture, en faisant référence à un accord trouvé sur l’accroissement des pouvoirs du Mécanisme européen de stabilité afin de « prévenir et de faire face aux crises financières« .

Pour Jean-Claude Juncker en revanche, le compte n’y est pas encore. « Mon impression est que nous faisons des progrès, mais que ces progrès ne sont pas suffisamment rapides« , a observé le président de la Commission européenne devant les journalistes. « Il n’y a rien de nouveau, c’est toujours le cas« , a-t-il également déploré. A cet égard, l’exécutif européen devrait poursuivre le travail de persuasion aux côtés de la France afin de mettre en œuvre un « mécanisme de stabilisation qui nous aiderait à mieux réagir face aux chocs asymétriques« .

Il appartient désormais aux ministres des Finances de la zone euro de définir une architecture précise et opérationnelle de ce nouvel outil. Ces derniers ont jusqu’à juin 2019 pour accomplir ce travail, qui s’annonce complexe.

Outre le budget spécifique de la zone euro, les dirigeants européens, cette fois à vingt-sept, ont également poursuivi leurs discussions relatives au prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027. La conclusion des négociations, initialement souhaitée pour début mai prochain, a officiellement été repoussée au plus tôt à l’automne 2019. En cause : les divergences très importantes entre les Etats membres tant sur l’ampleur globale du budget que sur la répartition des fonds entre les différentes politiques. Les élections européennes, qui se tiendront fin mai et entraîneront un renouvellement des dirigeants au sein des institutions, pourraient en outre ajouter de la complexité au processus, étant susceptibles de mettre en péril la mise en œuvre du cadre dès le 1er janvier 2021.

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