À quoi ressemblera le futur Parlement européen ?

Un article publié par notre partenaire Toute l’Europe


Si, comme le prévoient les sondages, les populistes raflent la mise en Italie, la gauche se maintient dans la péninsule ibérique, les libéraux l’emportent en République tchèque et les Verts en Lituanie… à quoi ressemblera le prochain hémicycle ?


Les élections européennes se tiendront entre le 23 et le 26 mai prochains selon les pays (le 26 mai en France).

Avec le Brexit, les Européens s’attendaient à n’élire plus que 705 eurodéputés. Mais la sortie du Royaume-Uni a été repoussée au 31 octobre 2019, et les Britanniques se préparent finalement à participer au scrutin. Au moins provisoirement, ce sont donc toujours 751 parlementaires européens qui devraient siéger à Strasbourg. Quel sera le nouveau rapport de force dans l’hémicycle ?

Depuis le mois d’avril, en comptabilisant les intentions de vote britanniques, les agrégats de sondages nationaux (notamment réalisés par Poll of Polls et Politico) donnent les chrétiens-démocrates du PPE en tête de la future assemblée (environ 23,3 % des sièges), devant les groupes de la droite eurosceptique voire europhobe (entre 20 et 23 % au total), les sociaux-démocrates du S&D (environ 19,5 %), les libéraux de l’ADLE (environ 13 %), les écologistes (environ 7,3 %) et la gauche radicale (environ 6,3 %).

« Pour la première fois depuis vingt ans, les deux principaux groupes, à savoir le Parti populaire européen (PPE) et l’Alliance progressiste des socialistes & démocrates (S&D) pourraient ne pas disposer de la majorité à eux deux, souligne Contexte. L’Alliance des libéraux et démocrates pourrait ainsi devenir centrale dans la constitution de coalitions sur les propositions législatives à venir. »

Les conservateurs en perte de vitesse

Selon les sondages actuels, amenés à évoluer d’ici aux élections qui auront lieu fin mai, l’écrasante victoire du Fidesz de Viktor Orbán en Hongrie, ainsi que les très bons résultats de la Plateforme civique en Pologne, du parti de centre-droit bulgare, ou même des conservateurs grecs (Nouvelle Démocratie pourrait remporter le scrutin en progressant de 10 points par rapport à 2014) n’empêcheraient pas le recul du Parti populaire européen (PPE) dont ils sont membres.

A l’avenir, ce groupe pourrait représenter moins d’un quart du futur hémicycle (environ 23% des sièges), contre 29% lors de la mandature 2014-2019. Une perte de vitesse liée au recul des partis traditionnels en France (Les Républicains ne sont crédités que de 13,5% des voix dans les derniers sondages, contre près de 21% en 2014), en Allemagne (Angela Merkel a lâché les rênes de la CDU après plusieurs revers électoraux en 2018), ou encore en Italie (à la faveur des nationalistes et des populistes qui composent l’actuelle coalition gouvernementale).

Les eurosceptiques progressent toujours

Alors que les projections sont actuellement défavorables au Parti conservateur britannique de Theresa May (il n’obtiendrait que 14 sièges contre 19 actuellement), la part des Conservateurs et réformistes européens (CRE) dans l’hémicycle strasbourgeois serait elle aussi en recul. Malgré le bond du parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir en Pologne, ces élus souverainistes occuperaient environ 8,6 % des sièges (environ 65 sièges), contre près de 10% aujourd’hui.

A l’extrême droite, L’Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) disparaîtrait quant à elle au profit d’une recomposition des groupes eurosceptiques et europhobes.

Qu’en sera-t-il de l’Europe des Nations et des Libertés (ENL), qui pourrait souffrir d’un mauvais score du Ukip britannique mais conserver quelques plumes grâce à la popularité du Rassemblement national en France ? Le groupe fusionnera-t-il avec la toute nouvelle Alliance européenne des peuples et des Nations, lancée en avril par le dirigeant italien Matteo Salvini ? A eux deux, ils pourraient en tout cas représenter entre 9 et 11% des eurodéputés pendant la prochaine mandature.

La nouvelle « Alliance de Salvini » a déjà été rejointe par les Vrais Finlandais (actuellement membres des CRE), le Parti populaire danois (CRE), le Parti populaire conservateur d’Estonie, le FPÖ autrichien (ENL) et l’AfD allemande (ELDD). Cette nouvelle alliance pourrait occuper à elle seule une cinquantaine de sièges, soit environ 6,5% des sièges.

Marine Le Pen a également affiché sa proximité avec Matteo Salvini en avril, mais l’intégration du RN au sein de la nouvelle alliance n’est pas encore complètement actée.

Le Mouvement 5 étoiles (M5S), qui partage le pouvoir avec la Ligue en Italie, devrait quant à lui conserver sa vingtaine d’eurodéputés (il disposerait de 22 sièges grâce au ralliement de deux élus polonais et d’un élu hongrois). Mais alors qu’il siège actuellement au sein de l’ELDD, il pourrait faire formation à part pour la prochaine législature.

Enfin, si le Ukip perd des voix outre-Manche, c’est à la faveur du nouveau « Brexit party » de Nigel Farage qui monte en flèche dans les sondages. Mais dans quel groupe européen siègera-t-il ?

Au total, les partis eurosceptiques et europhobes pourraient obtenir plus de 170 élus sur 751. « Reste à savoir s’ils seront capables de se rassembler au sein d’un seul groupe ou s’ils resteront éparpillés entre plusieurs formations« , concluait déjà Contexte en janvier.

Les libéraux renforcés par les marcheurs

Avec l’éventuelle arrivée d’une vingtaine d’eurodéputés étiquetés La République en marche (le parti n’existait pas encore aux précédentes élections de 2014), l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE) devrait elle aussi connaître une belle progression en mai (environ 13% des sièges du Parlement, un peu moins d’une centaine).

En Allemagne, les libéraux-démocrates du FDP pourraient retrouver 7 sièges à Strasbourg, contre 4 actuellement, selon les estimations. Les libéraux tchèques du Premier ministre Andrej Babis arriveraient quant à eux en tête des votes dans leur pays.

Les écologistes au point mort

Malgré les bons résultats des partis écologistes lors d’élections locales en 2018, des intentions de vote en hausse en Allemagne, en Lituanie et en Belgique, ainsi que de cinq potentiels nouveaux députés tchèques (selon Politico), le groupe des Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE) parviendrait à peine à dépasser la barre des 7% des sièges au Parlement européen (environ 55 sièges).

Les socialistes en chute libre

L’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D), elle, chuterait avec un score d’environ 19,5% (environ 147 sièges), contre 25% aujourd’hui.

Les beaux scores des partis socialistes espagnol, portugais, finlandais, suédois, et même du parti travailliste britannique, ne suffiraient pas à combler le recul d’autres formations nationales.

Après l’échec à la présidentielle de 2017 et la désertion d’une partie de ses membres, la crise du Parti socialiste français (allié avec Place-Publique pour le scrutin) devrait en effet se poursuivre puisqu’il n’obtiendrait que 6,5% des voix selon les derniers sondages… contre 14% en 2014 (avec le Parti radical de gauche). En Italie également, le Parti démocrate diviserait par près de deux son résultat, tandis qu’en Allemagne le SPD perdrait plus d’un tiers de ses eurodéputés, lui qui souffre depuis plusieurs années de son alliance avec la CDU.

L’extrême gauche ne progresse pas

Ne profitant pas de la situation délétère des socialistes, le groupe de la Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique (GUE/NGL) stagnerait de son côté à environ 6% des sièges du futur Parlement européen (à peine une cinquantaine de sièges).

L’une des plus nettes poussées au sein de ce groupe pourrait être celle de La France Insoumise, créditée de 7% des intentions de vote en France (contre 6% pour le Front de Gauche en 2014, qui réunissait notamment le Parti communiste et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon). A l’inverse, la GUE/NGL perdrait ses trois eurodéputés italiens.

Et après le Brexit ?

Si le Royaume-Uni quittait vraiment l’UE pendant la prochaine législature (la date limite est actuellement fixée au 31 octobre 2019), le nombre d’eurodéputés passerait à 705 au lieu de 751.

Selon Politico, sans les britanniques, le futur hémicycle serait composé de 182 élus du PPE, 130 sociaux-démocrates (S&D), 99 libéraux (ADLE), 48 membres du GUE/NGL et 48 écologistes. Le clan des eurosceptiques voire europhobes regrouperait quant à lui 51 Conservateurs et réformistes (CRE), 51 alliés à M. Salvini, 25 membres de l’ENL ainsi que 21 membres du M5S.

A eux s’ajouteraient 39 autres élus qui ne sont pour l’instant affiliés à aucun groupe européen. Et les non-inscrits, au nombre de 11.

Quelles sont les prévisions du Parlement européen ?

Le Parlement européen réalise lui aussi ses estimations sur la base des sondages nationaux. Ses dernières prévisions, mises à jour alors que les Britanniques se préparent à participer au scrutin, sont les suivantes :

Source : Parlement européen

Au 18 avril, sur un total de 751 eurodéputés, le groupe des démocrates-chrétiens (PPE) en obtiendrait 180 et les socio-démocrates 149. Les libéraux de l’ADLE, eux, ne sont crédités que de 76 sièges, les potentiels élus de La République en marche n’y étant pas attachés (le Parlement européen les comptabilise pour l’instant dans le groupe des « Autres », qui réunit 62 nouveaux élus qui ne sont pas encore officiellement affiliés à un groupe européen). 

Ces chiffres sont susceptibles d’évoluer jusqu’aux élections. Les services du Parlement européen communiqueront leur dernière estimation le 21 mai.